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Le Nouvelliste

Haïti pourra-t-il renégocier ses relations avec la République dominicaine ?

July 9, 2020, midnight

Les élections qui ont eu lieu dimanche en République dominicaine marquent la fin du règne du Parti de libération dominicaine (PLD) après vingt ans. En Haïti, c’est surtout la façon dont ces élections se sont déroulées et la rapidité avec laquelle les résultats ont été proclamés qui ont retenu notre attention. Seulement deux incidents ont été enregistrés dans la capitale et à Barahona, rapporte Ives Marie Chanel qui a suivi de près le processus électoral en direct depuis la République dominicaine. Les forces de l’ordre n’ont pas été déployées en grand nombre comme cela se passe généralement en Haïti lors des  journées électorales. Même le coronavirus n’a pas eu raison du taux de participation aux élections, lequel oscille entre 69 et 70% depuis les cinq dernières élections. Le président de la Fondation Zile qui, à l'instar d'Ives Marie Chanel, intervenait jeudi sur Magik 9 a décelé un engouement de la part de la population qui voulait en finir avec le PLD qui a passé vingt ans au pouvoir à cause de l’implication de certains hauts dignitaires de l’État dans des dossiers de corruption, particulièrement le scandale Oderbrescht. La population était fatiguée des actes de corruption et la non-satisfaction de certains de ses besoins fondamentaux, notamment en matière de santé. Voilà les raisons pour lesquelles elle a le PLD, souligne Edwin Paraison. Sur la publication dans un temps record des résultats, Edwin Paraison soutient que c’est dû à l’ancrage de l’institution électorale. «  La Junte centrale électorale (JCE) est une institution bien rodée qui dispose même de sa propre police. Elle n’a pas de problème de ressources et dispose de locaux à travers tout le pays. Elle n’est pas mobilisée seulement quand il va y avoir des élections. Elle fonctionne de manière permanente. Ses membres sont choisis sur concours avant d’être approuvés par le Sénat », révèle l’ancien ambassadeur d’Haïti en République dominicaine. L’institution chargée d’organiser les élections est vieille de soixante ans, ajoute Ives Marie Chanel, dans cette interview sur Magik 9.   Les résultats publiés par cette institution sont acceptés par tous les acteurs politiques et les membres de la société civile, avance Edwin Paraison comme pour souligner le niveau de crédibilité dont jouit la JCE. Le nouveau président élu dominicain Luiz Abinader a tenu un discours très favorable à l'égard d'Haïti mais il ne croit pas que c’est à la République dominicaine de résoudre les problèmes de notre pays. «  Dans le document de son programme, il reconnait que certains problèmes qui existent aujourd’hui entre Haïti et son pays sont issus de certaines perceptions historiques. Il plaide en ce sens en faveur de la création d’un espace de dialogue entre les deux pays », précise Ives Marie Chanel, ajoutant qu’il est également écrit noir sur blanc dans ce document que la République dominicaine ne peut pas résoudre les problèmes d’Haïti. « Ce sont les Haïtiens eux-mêmes, avec le support de la communauté internationale, qui doivent résoudre leurs problèmes », selon Ives Marie Chanel, rapportant un extrait du programme du parti de Luiz Abinader concernant Haïti. Le changement de pouvoir en République dominicaine est l’occasion de provoquer une modification dans les relations entre  les deux pays, pense Edwin Paraison. Le président de la Fondation Zile encourage les dirigeants des deux pays à saisir cette occasion pour prendre leur distance par rapport au modèle de gestion des relations qui existaient entre les deux pays par le passé. Chiffres à l’appui, il estime que le poids d’Haïti dans l’économie dominicaine n’est pas pris en compte à sa juste valeur par les Dominicains. « Nous sommes le principal pourvoyeur de main-d’œuvre à la République dominicaine. La question migratoire, qui parait être le plus grand problème d’Haïti pour la république voisine, est en réalité notre plus grande force. La main-d’œuvre haïtienne est incontournable pour l’économie dominicaine », affirme Edwin Paraison. Tous ces avantages devraient jouer en faveur d’Haïti dans ses relations avec la République dominicaine. Mais Ives Marie Chanel doute de la capacité de nos dirigeants à suivre les conseils de l’ancien ambassadeur d’Haïti en République dominicaine. « C’est ma seule appréhension », déclaré-t-il.  Le président Jovenel Moïse a eu une conversation téléphonique avec le nouveau président dominicain  peu de temps après son élection. « Je viens d’avoir une conversation téléphonique avec M. Luis Abinader, président élu de la République dominicaine. Je lui souhaite du succès dans ses nouvelles fonctions, tout en le rassurant de ma volonté de travailler au renforcement des liens d’amitié entre les deux pays », avait écrit le chef de l’État sur son compte Twitter lundi.