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Le Nouvelliste

Les États-Unis suspendent les vols de déportation vers Haïti

Feb. 5, 2021, midnight

« Les États-Unis ont suspendu les vols d'expulsion vers Haïti, bien que la durée de la suspension ne soit pas claire. Merci aux militants et organisations qui ont fait la lumière sur cette question! Cependant, la lutte pour une réforme globale de l'immigration n'est pas terminée! Rejoignez le mouvement! », a posté sur les réseaux sociaux le Mouvement du Réseau d'Action Familiale (FANM), une organisation de défense des droits des migrants, qui se félicite de cette première victoire acquise sous l’ère Biden. « Le président Biden a émis un moratoire de 100 jours sur les expulsions et pourtant les immigrants ont encore récemment été expulsés par l'ICE! Pratiquement tous n'étaient pas criminels, y compris des centaines d'enfants et de nourrissons! ICE a déjà expulsé 484 immigrants haïtiens dont Paul Pierrilus qui n'est pas citoyen haïtien. Les expulsions massives vers Haïti pendant le Mois de l'histoire des Noirs sont mauvaises et inhumaines! », s’est encore indignée sur les réseaux sociaux l’organisation FANM qui, dans une note de presse publiée 48 heures plus tôt , était déjà monté au créneau pour protester avec véhémence contre ces mouvements d’expulsion et pour souligner que tous les expulsés n'étaient pas criminels et 17 d'entre eux étaient des enfants âgés de deux ans et moins. En effet, l’agence de police douanière et de contrôle des frontières (ICE) du département de la Sécurité intérieure des États-Unis (DHS), fondée en mars 2003 par le président Georges W. Bush, a procédé les lundi 1er et mardi 2 février 2021 à l’expulsion de 166 réfugiés et immigrants vers Haïti. Sans ce coup d'arrêt, intervenu après une nuit d'appels frénétiques de militants communautaires et de membres du personnel du Congrès au bureau du nouveau secrétaire à la sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, pas moins de 1 800 immigrants supplémentaires auraient été expulsés dans les deux prochaines semaines vers Haïti. Selon le journal The Guardian, cette suspension des vols d'expulsion vers Haïti est un signe que l'administration Biden tente d'affirmer son contrôle sur  l'agence ICE dont les expulsions ont enfreint ses directives stipulant que les renvois devraient être axés sur les terroristes présumés et les criminels condamnés qui constituaient un danger pour le public. Lors de sa prise de fonction, Joe Biden a ordonné un moratoire de 100 jours sur l'expulsion, tandis que le système et les procédures d'éloignement des migrants et des demandeurs d'asile étaient soumis à révision. Mais le 26 janvier, un juge texan nommé par Trump a suspendu l'application du moratoire et ICE a repris - et dans certains cas intensifié- les expulsions vers l'Afrique, Haïti et l'Amérique centrale. Citant des sources du Congrès, le journal britannique indique que depuis leur confirmation par le Sénat, Mayorkas et son équipe cherchent à freiner les velléités d’ICE. Par ailleurs, ICE avait également accéléré les vols d'expulsion des Haïtiens détenus à la frontière sud. Mercredi dernier, a rapporté l’agence Reuters, les autorités américaines ont renvoyé des dizaines d'Haïtiens à la ville frontalière mexicaine de Ciudad Juarez depuis El Paso, au Texas. Une décision, a noté l’agence, qui semblait contredire un accord politique en place avec le Mexique négocié sous la précédente administration américaine. Ces expulsions massives ont été condamnées fermement le jour même, mercredi 3 février, par FANM à travers une note dans laquelle le Mouvement se dresse contre le DHS qui continuait de détenir et d'expulser des immigrants malgré la nature hautement contagieuse du virus COVID-19 et la violence aveugle et l'instabilité politique auxquelles fait face Haïti en ce moment. Alors que la pandémie de coronavirus se propageait en mars, les États-Unis ont partiellement fermé leur frontière aux demandeurs d'asile en invoquant une loi sur la santé publique connue sous le nom de «Titre 42». Le Mexique a accepté d'autoriser les autorités américaines à renvoyer les Guatémaltèques, les Honduriens et les Salvadoriens qui avaient auparavant transité par son territoire. Mais l’accord entre les deux pays était limité à ces trois nationalités et aux Mexicains, selon le texte d’un document publié le 21 mars par le ministère mexicain des Affaires étrangères. En vertu du titre 42, les États-Unis renvoient généralement les migrants d'autres nationalités vers leur pays d'origine. Plus d'une douzaine de migrants haïtiens ont déclaré à Reuters qu'ils avaient été détenus par les autorités américaines de l'immigration pendant trois ou quatre jours, puis renvoyés sans aucune documentation de leur expulsion. Pour la directrice exécutive de FANM, Marleine Bastien, il y a manifestement deux poids deux mesures dans le système d'immigration américain. « Ces rapatriements forcés sont inhumains, d'autant plus que les expulsés n'ont pas eu la possibilité de demander l'asile politique », s’est plainte l’organisation rappelant que les États-Unis sont tenus par le droit international de garantir les droits fondamentaux à une procédure régulière à tous les réfugiés qui viennent sur leurs côtes et frontière et qui sont en mesure de prouver de bonne foi une crainte de poursuites, quel que soit leur pays d'origine. Parmi les 64 personnes expulsées des États-Unis, le cas de Paul Pierrilus, 40 ans, arrivé à Port-au-Prince mardi matin à bord d'un vol charter  de l’ICE depuis la Louisiane, interpelle FANM. Paul Pierrilus est décrit par l’organisation comme étant un apatride car, il n'est pas né en Haïti et n'a ni famille ni liens sur place. Consultant financier de New York, Pierrilus est né de parents haïtiens sur le territoire français de Saint-Martin mais ne parle pas couramment le créole haïtien, selon ce qu’a rapporté le Miami Herald. Reconnu coupable de vente de drogue en 2003, poursuit le journal floridien, Pierrilus a purgé sa peine avant qu’un juge d'immigration n’a ordonné son expulsion. A l’époque, il avait fait valoir qu’il ne pouvait pas être expulsé vers Haïti parce qu’il n’était pas citoyen haïtien ni un citoyen de Saint-Martin non plus, selon la loi française. Les autorités haïtiennes et françaises avaient rejeté les demandes d'expulsion américaines. Pierrilus a fini par être arrêté à Manhattan le 11 janvier dernier, il a obtenu un sursis de dernière minute le 19 janvier lui permettant d’éviter d’être embarqué sur l'un des derniers vols d'expulsion sous l'administration Trump. L’organisation FANM réclame le renvoi express de Paul Pierrilus aux États-Unis. Sources combinées