Le Nouvelliste
Cap- Haïtien : vie nocturne et pluie de balles à la veille du 15 août
Aug. 18, 2020, midnight
Nous sommes enfin arrivés au Cap-Haïtien à minuit et demi à bord d'un véhicule, à bout de souffle, après avoir parcouru des kilomètres cahoteux entre St-Raphaël et Grande-Rivière du Nord. Après avoir rencontré que des chiens errants durant une bonne partie du trajet, nous revoilà au contact d'humains. Au Boulevard, quartier le plus animé du Cap-Haïtien, les terrasses des bars sont bondées. Les petits marchands s'installent le long du bord de mer. L'alcool coule à flots. La joie et la gaieté aussi. Des jeunes femmes défilent en culotte dans un va-et-vient incessant. Tonymix, le Dj le plus populaire du pays, joue dans un grand restaurant de la ville. Les «Ti jèn» sont au rendez-vous. Ce ne sont pas les propos souvent discriminatoires envers les «limena» et les «bredjenn» qui vont les décourager. Ils adorent quand le Dj plaisante en demandant à la police d'expulser ceux et celles qui s'adonnent à blanchir leur peau, par exemple. Il n'y a rien d'extra mais les fans s'amusent. Les organisateurs de l'évènement semblent avoir vendu trop de tickets d'entrée. Ils n'ont pas tenu compte de la capacité d'accueil de l'espace. De temps à autre, le Dj se plaint du surnombre de participants. Survient un black-out sur la ville à 2h 15 a.m. S'enchaîne une pluie de balles au Boulevard. Les hommes armés étaient nombreux dans l'espace et dans les parages. Tirs à volonté. Personne ne sait ou ne comprend pourquoi. On court dans toutes les directions. On se couche derrière ou sous des voitures. On se protège comme on peut. À 200 mètres plus loin, l'ambiance suit son cours normal. Les balles, on y est habitué ! D’ailleurs la musique et l’ambiance préservent du vacarme des détonations. La vie continue, belle et insouciante. Nous regagnons notre hôtel situé un peu plus loin sur une artère très fréquentée. Ici, on ne dort pas trop. À 4 heures du matin déjà, le concert de klaxons des motos en grand nombre dans la ville et des camions vous réveille. «C'est comme ça jusqu'à très tard dans la soirée», confie un employé de l'hôtel qui se dit «désolé». À l'aube ce samedi 15 août, de longues files sont remarquées devant une maison de transferts. Chacun vaque à ses activités. La vie suit son cours. La multitude de banderoles à chaque coin de rue rappelle que le Cap-Haïtien fête ses 350 ans. La première messe célébrée dans la cathédrale juste avant le Te Deum fait salle comble. Idem pour le Te Deum. Personne ne porte de masque. La distanciation physique n'est pas respectée. Une jeune femme s'en prend à un homme qui lui demande de respecter une certaine distance. «Il n'y a jamais eu de corona en Haïti, monsieur», s'époumonne-t-elle, masque sous le menton, comme on porte un bijou.