Le Nouvelliste
Sur le contrat administratif
Nov. 22, 2019, midnight
L’inégalité des intérêts en présence, dans un contrat administratif, fonde le principe de l’autonomie du droit des contrats administratifs. Par réflexe, le contrat administratif s’entend du contrat de l’administration publique (l’État) avec des tiers. Bien qu’il ait déjà été envisagé la possibilité qu’elle conclue un contrat de droit privé. « Le recours à la gestion privée des services publics» rentre cependant dans le contrat administratif (Énex Jean-Charles, 2002 :112). Qu’il s’agisse d’habilitation contractuelle [concession ou autres procédés contractuels] ou d’habilitation unilatérale [investiture directe ou indirecte] (idem p. 114, 115). Si l'on ne peut dire irréfutablement, d’un point de vue légal, ce qu’est le contrat administratif, la jurisprudence française nous permet de retenir deux critères [organique et matériel] selon Georges et Siat (2006). Chaque fois qu’une personne publique [organique] conclut un contrat, il faut songer à un contrat administratif. Sous réserve cependant de satisfaire au critère matériel ou alternatif. Ce dernier consiste en la présence, dans le contrat, d’une « clause exorbitante de droit commun », ou quand l’objet porte sur l’exécution d’un service public [le courant électrique par exemple]. À propos de la clause exorbitante Concernant la difficulté à proposer une intelligence nette de la notion de « clause exorbitante », le Conseil d’État en France l’a ainsi définie : « Toute stipulation ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou des obligations étrangères par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles ou commerciales » [les italiques sont de nous]. La seule exception, à ce propos, c’est que les services publics industriels et commerciaux ne peuvent prétendre au caractère administratif des contrats qu’ils passent avec leurs usagers. Leurs usagers seulement. Par exemple, le contrat d’électricité entre mon épouse avec l’EDH. C’est un contrat de droit privé. Étonnant « paradoxe » Sauf méconnaissance de la langue, nous avons pensé à un paradoxe dans le cadre de l’espèce qui motive notre propos. Que l’EDH, une expression de la puissance publique ici, ne soit pas la partie en faveur de laquelle cette série de clauses exorbitantes de droit commun lue soit stipulée. C’est incontestable, l’État en effet jouit toujours dans le principe de prérogatives exorbitantes de droit commun. À moins qu’il faille lire enfin un aveu : l’État, en vérité, c’est l’autre partie, la partie privée. L’expression éloquente de la privatisation de l’État haïtien ? S’il fallait le rappeler, l’État jouit d’un régime spécial parce qu’il représente l’intérêt général. Donc un intérêt supérieur à tous les intérêts possibles et imaginables. Sur les effets du contrat administratif Le droit administratif est un droit d’exception. Autonome par rapport au droit privé. Ainsi va pour le contrat administratif. Est reconnu plus encore ici le principe de la mutabilité des contrats administratifs, par opposition au principe de l’immutabilité du contrat en droit commun (privé). En clair, l’administration a le droit, à tout moment, de résilier le contrat de façon unilatérale. Surtout, si l’indemnisation de la co-contractante est de mise, elle n’est cependant pas fondée sur l’idée d’une faute quelconque de l’administration. De même, il est loisible à l’administration de modifier unilatéralement les « conditions d’exécution du contrat » ou certaines clauses. Finie l’immutabilité. Des privilèges que le cocontractant ne détient pas en droit. Malgré les faits. Conclure correctement nous oblige à justifier, en toute objectivité, cela va de soi, les pouvoirs exorbitants de l’administration. De tels pouvoirs préservent l’intérêt général, maintiennent l’équilibre financier au sein de la société, et sont compris dans les clauses contractuelles. Plus important cependant, ces pouvoirs font corps avec l’administration. Autrement dit, même sans mention dans le contrat, l’administration détient de tels pouvoirs. Les juristes parlent de « clauses extracontractuelles » en l’occurrence. Car « personne » ne peut priver l’administration de ses prérogatives naturelles. Si l'on insiste sur le mot « personne », c’est pour aider le lecteur à comprendre que même les signataires représentant l’administration ne peuvent lui ravir tels pouvoirs.