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Le Nouvelliste

« Nous vivons l’éclatement d’une société tiraillée dans ses actions et celles de ses leaders », analyse le sociologue Antoine Augustin

Nov. 20, 2020, midnight

« Le comportement de la classe politique s’inscrit dans les « pathologies sociales » auxquelles se trouvent confrontées différentes sociétés à un certain moment de l’histoire. Nous sommes face à une situation d’hétéronomie, où il y a un éclatement de l’acteur, un éclatement de la société tiraillée dans ses actions et celles de ses leaders. Ce phénomène amène à l’effondrement de la société qui ne dispose pas d’assise pour affronter une série de charge, de chocs, hormis les catastrophes naturelles, qui sont liées à notre mauvaise gouvernance de l’État, constate le professeur de sociologie. Pour le professeur Augustin, il y a une absence de projet de politique nationale, de progrès économique, de stabilité et de renforcement institutionnel. Pas de progrès individuel. La situation s’aggrave. Il y a un effondrement tant au niveau de l’État que dans la société, elle-même. L’État ne contrôle rien. Il n’y a que des forces centripètes qui accaparent l’État et qui conduisent le pays dans une direction, estime-t-il, avant de situer la division de la classe politique dans ce schéma qu’il considère comme une « manifestation de notre sous-développement ». Cette situation que nous vivons actuellement n’est pas le fruit du hasard, analyse Antoine Augustin qui pointe du doigt les élites dominantes qui n’investissent pas dans la science, ni dans la technologie, ni dans l’innovation. Des élites qui n’ont pas de projet de progrès, de vision grandiose de rétablissement de l’homme dans ses droits.  Pour le professeur, la situation de débandade du pays est le résultat d’un projet des élites qui veulent maintenir le pays, par tous les moyens, dans cet état. « C’est une société égocentrique qui se désagrège, se désarticule et se déconstruit. Nous sommes parvenus à un échec collectif », observe l’analyste. Pour ce dernier, Haïti forme des citoyens qui ne parviennent pas à s’intégrer dans la société évoluant dans une indifférence par rapport à certaines anomalies. « Aucun acteur ne peut s’en sortir seul...» « Les Haïtiens nagent dans la souffrance. Les dirigeants ne prennent pas la dimension de la souffrance de l’homme haïtien. Le peuple n’en peut plus. Les gens souffrent à un niveau tel qu’ils sont capables d’accepter la déshumanisation… », avance Antoine Augustin qui évoque les revendications, jusqu’ici insatisfaites, des masses populaires rurale et urbaine dans ce pays. Selon lui, nous sommes face à une nation opprimée, fonctionnant sous la dépendance, sous la tutelle. Malheureusement, observe-t-il, les acteurs de la classe politique se laissent aveugler par les intérêts mesquins. Pourtant, croit-il, nous sommes à bord d’un bateau qui tend à s’écrouler. Aucun acteur ne peut s’en sortir seul, estime celui qui appelle les citoyens à prendre conscience pour qu’Haïti puisse redevenir un grand pays qui a marqué l’histoire. Mais tout n’est pas perdu. L’espoir n’est pas perdu. Il y a des groupes dans la société qui manifestent un refus d’accepter l’inacceptable, confie le professeur qui prône un nouvel État, une nouvelle société. Pour lui, le pays n’a pas réellement besoin d’une réforme, mais d’une révolution (éducative, morale, éthique, ect.). Il faut inventer quelque chose qui tient compte de la réalité mondiale et des spécificités haïtiennes, affirme celui qui n’arrête pas de prôner l’émergence d’une nouvelle gouvernance. « Nous devons aller vers une logique de refondation et de reconstruction de la société », estime Antoine Augustin.