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Le Nouvelliste

Football : Du meilleur joueur haïtien au meilleur joueur au monde

Nov. 25, 2020, midnight

Philippe Vorbe, de la plus fameuse équipe haïtienne de football, celle de la Coupe du monde de 1974, Philippe Vorbe, qui a été entraîneur et chroniqueur sportif, a accepté de livrer à Frantz Duval ses impressions suite au décès de Diego Maradona. Une seule question comme pour une passe en or, le meilleur joueur haïtien trace le portrait du meilleur joueur au monde. « Diego Armando Maradona est parti aujourd’hui mais il nous laisse des mémoires vivantes incroyables à travers les images qui sont nombreuses et qui sillonnent déjà toutes les télévisions du monde. On nous montre le talent pratiquement inégalable de ce joueur. Ce qu’il a fait pour le football, cela a été une grande partie de sa vie. Il nous lègue des actions d’éclat. Il nous lègue un amour pour le jeu. Il nous lègue un amour pour son pays. Un amour pour cette grande équipe d’Argentine. Mais aussi il nous laisse l’image d’un type un peu abandonné à lui-même. C’est à croire que ceux qui arrivent trop haut dans le firmament football n’ont plus assez de force pour bien se comporter.  Il a dû faire appel à des adjuvants pour l’aider à supporter cette énorme pression pour un footballeur de grand talent. Ce statut l’exigeait de jouer toutes les semaines, parfois deux fois par semaine. Il faut être performant. Parfois on n’a pas le temps de s’entraîner. C’est ce qui a causé des dégâts dans la vie de Diego Maradona. Il n’a pas eu suffisamment de courage et de force pour résister à certaines tentations. Nous retiendrons de Diego Maradona son immense talent. Sa capacité à gagner un match tout seul. Il a été, partout où il est passé, l’idole du peuple. Que ce soit à Barcelone, à Naples ou encore plus avec la sélection argentine. Diego, c’est le fils du peuple. Celui qui provoque, celui qui parle au nom du peuple. Il reste celui qui, balle au pied, a démontré sa capacité à se défaire des forces les plus difficiles, les plus coriaces. C’est un génie. Mais c’est un génie maudit aussi. Il n’a jamais su, il n’a jamais pu rester au firmament du football, constant avec lui-même, capable de gérer ses émotions, capable de guider ses coéquipiers. Il a eu ce grand moment d’honneur. Lors de la Coupe du monde de 1986. Pratiquement, à lui tout seul, il a gagné cette Coupe du monde. On se rappellera toujours ses deux buts très contradictoires et très ressemblants étonnamment à lui. L’un marqué de la main, qui est pour Diego la main de Dieu. Et l’autre marqué au terme d’un exploit incomparable. C’était digne du plus grand joueur de tous les temps. Il est parti du centre du terrain, il a emporté toute la défense anglaise pour aller marquer ce deuxième but qui consacrait l’Argentine pour aller en finale. C’est du Diego. C’est cela Diego. C’est le très bon et le très mauvais. C’est l’alternance. L’incapacité à gérer les deux. À croire que c’est un génie qui est possédé. Partout où il est passé, Diego a laissé l’image d’un type aimable, proche du peuple, proche des pauvres. Il détestait les gens riches, il n’aimait pas ceux qui possédaient le pouvoir, ceux qui dirigeaient. Il n’aimait pas recevoir les ordres et les injonctions. Il voulait être libre, il voulait vivre libre. C’est un message qu’il nous a envoyé. C’est un message qu’il nous a aussi légué. Il faut saluer ce grand départ d’un des plus grands joueurs de l’histoire du football. Si ce n’est le plus grand. Il a eu certes beaucoup de concurrence avec Pelé qui est un autre roi, avec un autre style, un autre grand joueur dans son genre. Il a eu aussi beaucoup d’affection, beaucoup d’amour pour Leonel Messi qui est en principe son successeur. En tout cas aujourd’hui, le football est en deuil. Car nous avons perdu un dieu, aujourd’hui. Diego Armando Maradona. Propos recueillis par Frantz Duval Retranscription Jean Daniel Senat