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Le Nouvelliste

Le décret sur la carte d’identification nationale doit être corrigé, soutient Me Bernard Gousse

June 22, 2020, midnight

L’ancien ministre de la Justice, Bernard Gousse, intervenant à l’édition du week-end de Panel Magik, a relevé plusieurs anomalies dans le dernier décret portant sur le Numéro d’identification unique et la Carte d’identification nationale. Selon le juriste, la nécessité de doter les citoyens d’une identification et de préciser certaines dispositions du décret de 2005 sur les cartes d’identité n’excuse pas les incohérences que comporte le nouveau texte. Me Bernard Gousse a fait remarquer que le décret prévoit 16 indications pour doter quelqu’un du Numéro d’identification unique alors que la carte qui est délivrée aujourd’hui en comporte 12.   De plus, souligne Gousse, le décret fait référence à un code pénal qui n’existe pas. « Le décret doit faire référence à une loi qui existait déjà. Dans tout État de droit, la sanction doit être précisée dans une loi. Ce qui n’est pas le cas avec ce décret. Même si le nouveau code pénal est publié demain, il sera postérieur au décret », précise-t-il. Le professeur d’université a évoqué un chamboulement provoqué par ce décret au niveau de l’état civil. Dans ce nouveau dispositif, les certificats de naissance remplacent les actes de naissance. L’Office national d’identification (ONI) est chargé de délivrer ces documents et supervise le travail des officiers d’état civil. « Les actes rédigés par les officiers d’état civil sont crus jusqu’à une inscription en faux. Cela dit, ces documents restent authentiques. Celui qui a écrit que les certificats de naissance remplacent les actes de naissance n’a rien compris du système de l’état civil qui est plus qu’un système d’identification. C’est un système d’information sur tout ce qui peut arriver dans la vie de quelqu’un, à savoir sa naissance, son adoption, son mariage, son divorce, entre autres. On ne peut pas éliminer l’acte de naissance. Cette décision va provoquer plus d’insécurité dans le système juridique », fait-il remarquer.  En ce qui concerne les cartes d’identification, Bernard Gousse a souligné que le décret reste muet concernant l’épuration de la base de données. « Cette carte permettra aux détenteurs âgés de 18 ans et plus de voter. La base de données permettra à l’organisme électoral de publier les résultats des élections. Que se passera-t-il si un détenteur est décédé ou est condamné à une peine afflictive et infamante ? Le décret ne dit rien de l’épuration de la liste », analyse-t-il. Me Gousse a évoqué l’alinéa 2 de l’article 5 du nouveau décret. Celui-ci stipule que « toute personne, ayant subi des changements morphologiques, fait la mise à jour y relative dans les deux mois qui suivent ces changements au bureau de l’Office national d’identification ». Selon lui, cette disposition ne sera pas applicable en Haïti. « Le terme ''changement morphologique'' est vague. Le public l’interprète comme une autorisation à changer de sexe. Cette interprétation est correcte. Cependant je pense que ce n’est pas possible. Parce que la transformation morphologique n’est pas légale en Haïti. Actuellement en Haïti, quelqu’un ne peut pas se présenter chez un chirurgien pour lui demander de changer son sexe. Il s'agit du principe de l’inviolabilité du corps humain. L’ONI ne pourra pas accepter de changer les informations de quelqu’un qui a changé de sexe », estime-t-il. Dans la foulée, Bernard Gousse a soutenu qu’une éventuelle loi sur le changement de sexe doit faire l’objet d’un débat de société. « Chaque société a sa conception sur le sujet. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire en catimini. Il faut un débat public sur cette question. Il faut l’implication de la société civile, des associations religieuses, des associations philosophiques, entre autres... Ce débat peut durer des années. Dans certains pays, les gouvernements adoptent ces décisions après un référendum », relève le professeur de droit.  Le décret prévoit une sanction contre toute personne qui sera surprise sans la carte d’identification nationale ou sans passeport à partir du 16 octobre 2020. Selon le texte, le contrevenant est passible d’une amende équivalant à cinq pour cent (5%) de son revenu mensuel ou du salaire minimum mensuel, s’il est sans emploi, sur procès-verbal dressé par un officier de police, prononcée séance tenante et toutes affaires cessantes par le tribunal compétent. Bernard Gousse juge cette disposition irréaliste. « D’entrée de jeu cette amende est confiscatoire. De plus, l’ONI ne pourra pas doter tous les Haïtiens d’une carte d’identification en 3 mois. Pour que la déclaration de l’officier de police soit crue jusqu’à une inscription en faux, il faut qu’il ait la qualification d’officier de police judiciaire. N’importe quel policier ne peut pas constater une infraction », a fait savoir Bernard Gousse.  L’ancien ministre de la Justice estime donc que ce nouveau décret charrie plus de problèmes que de solutions. « Ce texte est mal pensé, mal organisé. On aurait dû consulter des spécialistes en droit civil pour le rédiger. Si ce n’est pas l’exécutif actuel, il faut qu’un autre exécutif et un autre Parlement apportent des modifications au texte », a-t-il exigé.