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Le Nouvelliste

Kidnapping : l’incontournable addition…

Feb. 11, 2020, midnight

Les kidnappings se sont multipliés ces temps-ci dans la zone métropolitaine. Le porte-parole de la PNH, Michel Ange Louis-Jeune, a maintenu ce mardi les indications communiquées début janvier : « La remontée du kidnapping est spectaculaire. » Entre-temps, la typologie des victimes établie en partie grâce à des photos partagées sur Facebook, Twitter et Instagram glace le sang.   Les victimes, sans être riches, ou capitaines de grandes entreprises, sont, pour la plupart, des  jeunes gens, des moins jeunes, des gens ordinaires, des gens sans histoire, des honnêtes gens, des éléments de la classe moyenne. Les « voices notes » largement partagées via WhatsApp racontent des modes opératoires, la quiétude des kidnappeurs au moment de négocier les rançons qu’ils récupèrent parfois à visière levée et en plein jour. Sur la Toile, la victimisation indirecte est palpable. L’on y exprime désarroi, colère et peur. Les chefs de la PNH et ceux de l’exécutif sont la cible des critiques. Le Collectif 4 décembre a appelé à manifester contre le kidnapping le 14 février.   Le retour en force du kidnapping n’est pourtant pas une surprise. Les gangs armés, en prenant le contrôle de certains quartiers transformés en « no go zone », « zone de non-droit », comme Village-de-Dieu, Grand-Ravine…, se sont aménagés des cachettes pour séquestrer leurs victimes. La triangulation des appels et tous les moyens technologiques ne seront pas d’une grande utilité si la PNH ne peut pas patrouiller dans ces quartiers, ce qui rend encore plus risqué de réaliser des opérations pour libérer des otages dans ces quartiers du littoral. La Police nationale d’Haïti, en proie à des problèmes internes et à ses manques, ne parvient toujours pas à contrôler l’ensemble du territoire. Elle n’a pas su non plus mettre en déroute les auteurs et complices des tout premiers enlèvements. La fenêtre à kidnappings d’opportunité n’est pas fermée pour des gangs moins importants mais capables de s’ajuster pour faire des coups rapides et négocier des rançons pas toujours importantes. Au moment où la PNH est sous le feu des critiques, des commissaires  et substituts du gouvernement de Port-au-Prince et de Croix-des Bouquets, si proactifs dans d’autres dossiers, semblent être frappés de léthargie. Ils laissent aussi l’impression de se planquer. La justice dispose d’une loi ayant renforcé la peine infligée aux kidnappeurs et complices après 2008, mais la justice ne s’est pas assez distinguée dans la répression du kidnapping. Il y a des cas emblématiques, symboliques d’une nouvelle philosophie, du bandit légal, protégé par des amis puissants.  Il y a des membres d’un gang assez puissant qu’un juge libère après une simple admonestation : « Ale, pa fè sa ankò. » Il y a cette décision de la Cour de cassation cassant ce jugement qui n’est pas exécuté depuis plusieurs mois. Il y a la normalisation des rapports entre un sénateur de la République en fonction et un puissant chef de gang, impliqué dans un double kidnapping. Il y a cette ordonnance du juge d’instruction, intéressé à interroger ce sénateur qui n’a pas eu de suite. Si la police et la justice sont sur les rotules, elles ne sont pas les seules. Les bandits s’arment, s’approvisionnent en munitions qui ne sont pas produites en Haïti. Les douanes sont en dehors de l’équation de la sécurité à renforcer. L’argent des rançons achète des biens et des services. Le pays est à des années-lumière dans l’intelligence financière pour retracer les bénéficiaires des produits du kidnapping. Pour le moment, le président Moïse a des annonces. Il impute aussi l’insécurité à des cerveaux responsables de cette recrudescence en vue de provoquer un soulèvement populaire contre les autorités.   Sa lecture simpliste du phénomène peut être l’expression d’une incapacité. Cependant, le premier d’entre nous est attendu au carrefour du coup de fouet nécessaire aux institutions impliquées dans la production de la sécurité pour que celles-ci aient les moyens pour accomplir leurs missions. Entre-temps, les citoyens et citoyennes ont un devoir de vigilance, de solidarité. L’indifférence, le silence ne peuvent plus être de mise quand les bandits tuent et chassent les habitants des bas quartiers, de ces quartiers populeux où sont séquestrées les victimes du kidnapping. Au point où l’on en est, il y a une addition à faire, des responsabilités à assumer ou à mieux assumer…