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Le Nouvelliste

Un lundi matin comme à l’ordinaire à Port-au-Prince

March 23, 2020, midnight

Haïti, comme tous les autres pays de la planète, se met en guerre contre le nouveau coronavirus. D’ailleurs, le gouvernement a annoncé un train de mesures pour faire face à la pandémie, notamment l’interdiction de tout rassemblement, ce qui conduit à la fermeture des classes et la suspension de bon nombre d’activités. Les églises, les universités et les factories sont aussi touchées par ces mesures. D’autres entreprises ont volontairement fermé leurs portes. Même si le gouvernement n’a pas décidé ou ne décide pas encore de confiner la population dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, on avait pensé que ces mesures allaient désengorger les rues. Ce lundi matin, c’était la surprise générale. Les rues de Port-au-Prince étaient comme à l’ordinaire bondées de gens et de véhicules. Les transports en commun et les marchés publics fonctionnaient pratiquement à plein régime comme à l’accoutumée. Il y avait même des embouteillages sur certaines artères au point que la police a dû intervenir. Cela ne veut pas dire que la population n’est pas au courant que le coronavirus est dans nos murs. On constate de plus en plus de gens portant des masques dans les rues. Les passagers sont silencieux dans les camionnettes comme si le silence est la meilleure arme contre la maladie. Lorsque le gouvernement annonçait à la fin de la semaine écoulée les nouvelles mesures dans la lutte contre la pandémie, seuls deux cas étaient confirmés sur le territoire national. Ce lundi 23 mars, nous en sommes à six. De plus en plus de voix exigent le confinement de la population pour éviter une propagation de la maladie à grande échelle. Certains pensent qu’une telle mesure est illusoire dans la mesure où la majorité de la population vit au jour le jour. Il y a aussi l’argument que les plus vulnérables ne vont pas se laisser crever de faim au nom de la lutte contre le Covid-19. Avec six cas confirmés, Haïti est encore loin du scénario des pays où les cas sont comptés par milliers ou par dizaines de milliers. Ce n’est pas une raison pour que nous agissions comme si de rien n’était. Ce qui se passe dans des pays européens comme l’Italie et l’Espagne même plus près de nous aux États-Unis nous montre comment la propagation de la maladie peut rapidement échapper à tout cotrôle. En dépit des grands moyens déployés par ces pays, la maladie poursuit son petit bonhomme de chemin. De quoi effrayer un pays à l’économie moribonde comme le nôtre. L’arrivée du coronavirus sur notre sol nous met face à notre irresponsabilité, face à nos manquements dans le domaine de la santé, des transports, de l’alimentation, du logement… Ce sont ces manquements qui nous empêchent aujourd’hui de prendre les mesures appropriées pour combattre la maladie. Il est clair que le pays ne pourra pas combler ses retards en matière de développement durant le passage du coronavirus. Cependant la pandémie nous rappelle qu’il y a mieux à faire qu'à lutter en permanence pour la conquête du pouvoir. Nous avons l’obligation de construire un vrai système de santé, un système éducatif compétitif et un système de protection sociale au profit des groupes vulnérables. Il est temps  que chaque Haïtien ait accès à un logement décent. Voilà ce vers quoi nous devra canaliser notre énergie à l’avenir. Nous aurons moins de peine à lutter contre la prochaine catastrophe comme c’est le cas aujourd’hui du coronavirus. En attendant, le pays a l’obligation d’affronter le coronavirus.