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Le Nouvelliste

Le monde médical rend hommage au Dr Elsie Métellus Chalumeau

Feb. 17, 2020, midnight

Le Dr Elsie Métellus Chalumeau s'est absentée au service de médecine interne. Cette absence est d'autant plus douloureuse qu'elle sera définitive.   « Elle venait toujours à l'hôpital, elle était toujours disponible pour le service et pour ses patients », se souvient le Dr Jessie Colimon, directrice exécutive de l'Hôpital de l'université d'État d'Haïti.  « Son absence est étrange pour moi. Quand j'étais vice-doyen à l'Université Notre-Dame d'Haïti, j'ai eu la chance de voir en elle une enseignante ponctuelle et disciplinée », raconte pour sa part le Dr Audie Métayer.  «Une grande dame s'absente», titre Gilbert Mervilus dans sa chronique d'hommage aux grandes personnalités. Tout le monde déplore cette absence brutale et ahurissante. Elsie Métellus a fait ses études classiques à Sainte-Rose de Lima. En octobre 1973, elle a été admise à la Faculté de médecine de l'UEH puis diplômée en 1979 de la promotion «Théodule Alexis». Les trois années suivantes, elle s'est spécialisée en médecine interne à l'HUEH. Elle a fait la spécialité qu'elle aimait ; elle l'avait apprise avec tellement de triture et de tact qu'en dernière année elle a occupé le poste de résidente en chef. Après sa spécialisation, elle s'est rendue en France pour une sous-spécialisation en onco-hématologie. Là-bas, elle a fait des études approfondies en transfusion sanguine.  Elle a travaillé pendant un moment au poste de médecin de service à l'unité d'hématologie à l'hôpital Pitié à Paris avant de retourner au pays. À l'annonce de sa mort, un médecin qui l'a côtoyée à Paris se souvient d'une «femme intelligente, passionnée par la médecine, très investie dans son travail». Tout le monde aurait aimé que le Dr Métellus Chalumeau soit vivante pour se faire soigner si jamais on était tombé malade.  De 1985 à 1994, elle a été directrice du Centre de transfusion sanguine. Elle a élaboré un plan méticuleux pour améliorer l'état de la transfusion sanguine en Haïti. Jusqu'à sa mort, elle a gardé le poste de présidente du comité de sécurité transfusionnelle.  Elle a été jusqu'à sa mort professeur de carrière d'hémato-oncologie et de physiologie sanguine à la Faculté de médecine de l'UEH et la Faculté de médecine de l'UNDH. Elle était assistante chef de service à l'HUEH au temps du Dr Alix Lassègue, puis chef de service de médecine interne jusqu'à son départ brutal.  Ce qui fait la particularité du Dr Elsie Métellus Chalumeau, ce n'est pas ses connaissances et ses compétences très rares. Ce sont ses qualités extra-médicales, son souci de toujours faire le bien, la manière dont elle gérait son service en vue de prodiguer les meilleurs soins aux malades, son amour pour ses patients, son côté jovial, sa capacité à trouver des solutions dans les moments difficiles. Tout ce package faisait d'elle un médecin exceptionnel.  À l'annonce de sa mort, le Dr Pascale Yola Gassant Heurtelou, chef de service d'oncologie pédiatrique à l'hôpital Saint-Damien, se désole du fait que «le pays ne sait malheureusement ce qu'il venait de perdre avec le départ du Dr Elsie Métellus Chalumeau».  Le Dr Métellus Chalumeau soignait ses malades avec un souci d'excellence exemplaire tant dans la pratique privée qu'à l'hôpital général.   Durant son passage à l'HUEH, elle a créé l'unité d'hématologie pour recevoir les patients qui ne pouvaient pas payer leur auscultation en privé. Elle a jeté les bases de la création d'une unité d'endocrinologie ; elle tenait à ce que la médecine interne ait toutes les sous-spécialistés.  Le Dr Audie Métayer, chef de l'unité de dialyse rattachée au service de médecine interne de l'HUEH, estime qu'à chaque fois qu'il a eu la chance de côtoyer le Dr Elsie Métellus Chalumeau, il a découvert une autre facette de sa personnalité.  D'abord comme étudiant, le Dr Métellus Chalumeau était pour lui cette brillante professeure que tout le monde voulait imiter. Elle était ponctuelle et toujours tirée à quatre épingles.   « Quand je suis devenu résident en médecine interne, elle était au centre de transfusion sanguine. Elle était toujours disponible pour nous aider avec nos réquisitions de sang ; elle voulait toujours le bien-être des patients ». Plus tard, le Dr Audie Métayer allait la côtoyer comme collaboratrice. « J'étais vice-doyen à la Faculté de médecine de l'UNDH, elle était professeure. La manière dont elle transmettait ses connaissances était magnifique. Un jour, elle est venue me trouver pour introduire un jeune médecin à ses côtés afin d'assurer la pérennité de son oeuvre. Elle l'a fait avec tellement d'amour qu'aujourd'hui ce jeune médecin a choisi, comme elle, la voie d'hématologie.  Comme chef de service, elle affrontait tous les problèmes qu'elle pouvait rencontrer dans l'état actuel des choses à l'hôpital général, elle a toujours fait du mieux qu'elle pouvait pour soigner ses patients ; elle n'a jamais prétexté la situation du pays.  Le jeudi 13 février 2020, un parterre de médecins de service, responsables académiques, étudiants, internes et résidents se sont réunis à la salle conférence de l'hôpital militaire pour rendre hommage à cette brillante personnalité.  « La perte du Dr Métellus Chalumeau est très lourde pour le pays ; si l'on savait ce qu'on avait perdu, le pays entier lui aurait rendu hommage parce qu'elle est actuellement irremplaçable. Elle avait une dimension internationale, partout où l'on parle d'hémato-oncologie. Le Dr Chalumeau pouvait prendre la parole et tenir la dragée haute », confie pour sa part le Dr Gérard Abel, chef de service a.i de la médecine interne à l'HUEH, qui invite l'assistance à imiter le Dr Elsie Métellus Chalumeau.  Le Dr Joseph Cadet, assistant résident en chef, pense que le service de médecine interne a perdu son chef au moment où elle s'y attendait le moins, laissant l'HUEH dans l'abattement.  « C'est un moment difficile, pénible que traverse l'hôpital général qui vient de perdre le chef du service de médecine interne. Elle s'était signalée par sa jovialité, sa gentillesse et son beau sourire », souligne le Dr Pierre Roger Vilfort, chef de service d'Anapath, représentant des médecins de service de l'HUEH.  « Je me rappelle quand j'étais en deuxième année en revenant de la faculté de médecine, que mon ami Ralph Gousse me disait qu'il souhaiterait être comme le Dr Elsie Métellus Chalumeau. Aussi intelligente que brillante, elle était très douée en hématologie. À cette époque, le Dr Chalumeau n'était qu'un interne et déjà, elle avait ébloui les étudiants par son intelligence et sa grande maîtrise. Plus tard, le Dr Ralph Gousse est devenu hémato-oncologue comme elle ». « Tout le monde connaissait le Dr Chalumeau à l'hôpital. Elle ne passait pas inaperçue. Elle était professionnelle, elle avait toujours une réponse quand on s'adressait à elle », avoue le chef de service des soins infirmiers, qui n'arrive toujours pas à accepter le départ du Dr Elsie Métellus Chalumeau.   Pour le directeur administratif et financier de l'HUEH, M. Fednel St-Vil, c'est une grande collaboratrice qui aura marqué positivement son passage, notamment pour sa bonne collaboration à l'HUEH. Le Dr Rodolphe Malebranche raconte avoir parlé avec Dr Chalumeau pour la première fois au téléphone.   « Elle avait des problèmes avec un jeune malade de 28 ans qui avait des soucis avec l'électrocardiogramme. Sa description au téléphone était tellement parfaite que je n'avais pas besoin de me déplacer ; j'avais fait le diagnostic au téléphone.  Elle était extraordinaire ; elle avait une empathie spectaculaire et spontanée pour ses malades. On ne peut pas avoir la prétention de pouvoir la remplacer aussi facilement, il faut travailler au jour le jour avec les jeunes pour avoir une copie de cette perle rare », a fait savoir le Dr Rodolphe Malebranche, directeur de la résidence hospitalière à l'HUEH. Le Dr Jessie Colimon, directrice exécutive de l'HUEH et sa camarade de promotion, a présenté sa biographie devant une assistance convaincue de sa grande générosité.  Le Dr Elsie Métellus Chalumeau était à la disposition de toutes les sociétés et associations médicales en Haïti. Elle ne se contentait pas de participer aux congrès, mais elle tenait à présenter un sujet de temps en temps. Malgré la solennité de ce grand hommage, le doute qui plâne sur la prise en charge des patients cancéreux qu'elle soignait ne sera pas dissipé de si tôt. Il n'est malheureusement pas permis à n'importe quel médecin de soigner un patient avec une pathologie hématologique. Rien n'est pareil, tout est devenu fragile et petit avec son départ, comme le souligne dans un autre monde cette belle phrase de Marc Aurèle: « Petit est donc le temps que chacun vit ; petit est le coin de terre où il le vit, et petite aussi, même la plus durable, est la gloire posthume. » Claudy Junior Pierre