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Le Nouvelliste

Les vertus de l'adversité

June 8, 2020, midnight

Mon cher frère, L’adversité est inscrite dans le génome de l’Univers. Elle en est une composante congénitale. Tu dois sûrement te rappeler ce passage magnifique des premiers versets de la Bible : « Dieu dit : « Que la lumière soit! Et la lumière fut » ». (Genèse1, verset 3). « Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres ». (Genèse 1, verset 4). Tel est pour les amateurs ou habitués de la Bible le premier acte de la création de l’Univers. La lumière créée…  jugée bonne… et… séparée des ténèbres. La lumière et les ténèbres existent depuis le début. Chacune de son bord. Chacune dans ses limites. Les deux sont là. Créées en même temps. Mais sans mélange. Dieu avait bien raison. La lumière toute seule serait fade et rebutante. Le jour éternellement allumé finirait par devenir lassant. Lassé lui-même, au point d’en arriver à tenter de se suicider. De s’éteindre tout seul d’ennui.  La lumière serait alors une matière périssable. Une longue clarté. Brillant longtemps, avant de se vider de son contenu…Et de « mourir ». Comme une pile non rechargeable. Imagine une journée qui n’en finit pas! Quelle catastrophe cela serait! On perdrait la magnificence du coucher de soleil. A jamais serait effacée la scène éblouissante du soleil qui, à l’horizon, fait des câlins à la surface de la mer avant d’aller se reposer de sa course quotidienne. Ce serait terminé de la pleine lune. Fini des saisons qui ne seraient  plus nécessaires dans le cycle du temps.  On ne verrait plus la beauté de l’aurore que dans les contes et légendes pour enfants. Une journée sans fin!?  Et on serait alors comme enfermé dans un cachot de lumière aveuglante. Aussi ennuyé et frustré que le forçat enchainé dans son bagne. Enterré vivant dans les profondeurs d’éternelles ténèbres. L’alternance de la lumière et des ténèbres est ainsi faite, dans l’omniscience du Créateur, pour la préservation de la beauté du jour. Pour le renouvellement continu de la splendeur du firmament. Pour la pérennisation de notre éblouissement devant les merveilles qui s’enchainent autour de nous. Dans un cycle perpétuel. Dans une cadence ordonnée.  À jamais immuable. La brève suspension de la lumière avec la tombée de la nuit  et l’avancée des ténèbres fait aussi apprécier l’existence du jour.  On pourrait jouer à faire semblant, contre toute évidence, de ne pas voir le jour. Cette brève interruption, quoique simulée, ferait regretter le changement soudain. Découvrir le poids dramatique du manque de la situation d’avant. Éprouver la panique de sa perte éventuelle de manière définitive. Et chacun deviendrait subitement un zélateur. Un croisé, prêt à donner jusqu’à sa vie pour un prompt retour à la lumière du jour. Nous avons tous exprimé au moins une fois notre joie au retour de la lune après sa disparition derrière un rideau de nuages vagabonds. Que d’histoires de loups-garous ne gardons-nous pas de notre enfance? Racontées par des voyageurs nocturnes. Dans lesquelles « l’animal » apparait brusquement. Comme sortant de nulle part. A l’instant précis où la lune disparait sous les nuages. Ramenant ainsi momentanément les ténèbres à leur  place habituelle dans la nuit… Il en est ainsi de l’Univers comme de la vie des gens ordinaires. Comme d’ailleurs de la vie des hommes politiques. Et plus encore du destin de ceux que la politique a comme happés au passage. Séquestrés et instrumentalisés. Souvent contre leur gré. Avant de les jeter au rebut. Cet instant d’anxiété soudaine, de blanche solitude, de terreur incompressible, le plus souvent très bref, parfois trop long, c’est cela L’ADVERSITÉ dans la vie humaine, mon frère! Certains l’appellent aussi, mais à tort, « descente aux enfers ». A tort, parce que la traversée vers l’enfer est un départ « one-way ». Sans billet, encore moins de vol de retour. C’est un voyage irréversible.  L’adversité  en revanche est réversible. Ce n’est qu’une brève escale au purgatoire pour mieux goûter, après cette « quarantaine », aux joies du Ciel. Le Ciel, c’est cet espace inexpugnable. Ce moment intouchable. Infini. De suprême félicité. De quiétude absolue. Après les tourments d’ici. Après les reniements des disciples. Après le silence des « gens de bien » singeant Pilate. Après la flagellation des purs livrés aux félons. Après la préférence clairement affichée pour Barabbas. Après la crucifixion des Justes par les gredins. Au ciel finit l’Adversité, car le Ciel a précédé l’Univers. Au ciel, perpétuelle et totale est l’extase. Là finit le voyage. Là finit l’accumulation des vétilles au nom desquelles, ici, on pille et tue, assassine histoires, projets, rêves de vies et… VIES. Ton ciel viendra certainement, mon frère. Le mien aussi… peut-être … Mais, en attendant, accommode-toi de l’adversité. Fais-en même ton alliée. Le temps de la traversée. Profite des ténèbres de la nuit. Pour reprendre des forces. Le jour n’est pas loin. Ta lumière émergera du Sud. Pour resplendir sur notre taudis et inonder notre monde malade de tous les COVID passés, présent et à venir. Et les hommes viendront. Autant que les femmes. De l’Occident comme de l’Orient. De partout. Des humbles comme des puissants. Des ennemis fidèles comme de faux amis. Et ils s’abreuveront toutes et tous à ta source. La source de la renaissance…   Cela aussi est gravé dans l’ADN de l’Univers. Lillavois, 7 juin 2020