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Le Nouvelliste

« J’ai survécu au Covid-19 », témoignage du Dr Gyliane Woël

April 14, 2020, midnight

Le Dr Gyliane Woël a survécu au Covid-19. Elle conseille à la population d’avoir « peur de cette maladie méchante » et d’appliquer les consignes sanitaires ainsi que les gestes barrières. Élogieuse à l'égard du professionnalisme et de l’amabilité du personnel de l’hôpital universitaire de Mirebalais, la dermatologue formée en Haïti et en France plaide en faveur de la multiplication des tests de dépistage, de l'augmentation des moyens pour tous les hôpitaux publics et une implication sur la durée du secteur privé dans le relèvement de l’éducation et de la santé en Haïti. Le Dr Gyliane Woël, 63 ans, infectée, hospitalisée et soignée à l’hôpital universitaire de Mirebalais (HUM), a survécu au Covid-19. Aux Haïtiens, partagés entre déni, incrédulité et respect partiel des gestes barrières dans les banques commerciales, les supermarchés et d’autres sphères d’activité, elle porte un message qui ne souffre d’aucune ambiguïté: « Le virus existe. Je l'ai croisé en chemin. Il est en Haïti. Il est méchant parce qu’il peut provoquer rapidement des complications fatales au patient », a-t-elle confié à la matinale de Magik 9, Panel Magik (100.9 fm), mardi 14 avril 2020. « Portez des masques, lavez-vous les mains, protégez-vous, respectez la distanciation physique », a rappelé le Dr Gyliane Woël, en quarantaine chez elle après huit jours d’hospitalisation à HUM, un centre hospitalier public géré par Zanmi Lasante, oeuvre du Dr Paul Farmer. Il faut s’imposer les habitudes d’hygiène et de distanciation physique, avoir « peur » du virus « car la prévention peut permettre de ne pas avoir la catastrophe que l’on prévoit pour nous », a renchéri le Dr Gyliane Woël, dermatologue formée à la Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université d’État d’Haïti (UEH) en dermatologie, détentrice d’une sous-spécialisation en France, en pédiatrie et en maladies sexuellement transmissibles.                   Agir avant les complications Ssans détour, le Dr Gyliane Woël conseille  à ceux qui ont un tableau clinique ressemblant à ceux des personnes infectées par le Covid-19 d’agir rapidement, de voir un médecin pour établir un diagnostic confirmant ou non la présence du virus. « Pye kout pran devan, le plus tôt est le mieux ». Il faut éviter les complications susceptibles d’augmenter les risques de décès», a-t-elle insisté, soulignant avoir enfilé des gants et des masques, même avant les indications des autorités sanitaires. Incapable de savoir où elle a contracté le Covid-19 en Haïti, au supermarché ou en clinique, le Dr Gyliane Woël, aux premières manifestations cliniques, courbature, fièvre, toux sèche et un peu par déformation professionelle, révèle avoir contacté un médecin, le Dr Monprévil, impliqué dans la prise en charge du Covid-19. Son test, effectué chez elle et communiqué en 24 heures, s’est révélé positif, conte le Dr Woël, soulignant n’avoir été surprise. La prise en charge               Son statut sérologique connu par rapport au Covid-19, le Dr Gyliane Woël, recupérée chez elle et conduite dans une ambulance du MSPP à l’hôpital universitaire de Mirebalais, a confié avoir été prise en charge par une équipe « compétente », « bien rodée », « aimable » qui se met à la place du patient. Après la radiographie qui a révélé des lésions aux poumons, les examens cliniques, les analyses médicales pour mesurer les gaz sanguins, la saturation en oxygène, le Dr Gyliane Woël a indiqué avoir été mis sous médication: chloroquine, augmentin et azythromicine. Placée sous médication et visitée toutes les deux heures, le Dr Gyliane Woël a raconté que la maladie induit une souffrance morale. Loin de sa famille et en dépit du grand professionalisme et de la grande sollicitude du personnel soignant, l’on se retrouve au bout du compte seul face à la maladie. « C’est la maladie de la solitude », a confié le Dr Gyliane Woël, qui a cependant décidé de garder le moral, de se battre et de survivre pour les siens, pour sa fille. « J’aime la vie. Je ne veux pas mourir. J’ai un jeune enfant. Il fallait prendre mon courage à deux mains et mettre la peur de côté », a-t-elle ajouté, soulignant que le peu de connaissance scientifique du Covid-19 engendre la peur. Peur et stigmatisation. L’ancienne du collège St-Rose de Lima (sœurs de Lalue) qui a travaillé 21 ans à l’institut Fame Pereo à l’avenue Pouplard où l’on reçoit des patients de conditions socioéconomiques humbles souffrant de problèmes de la peau, a dit « comprendre » les causes de la stigmation par rapport aux personnes porteuses ou mortes du Covid-19. C’est comme au début du sida. Le Covid-19, maladie hautement contagieuse, peut tuer rapidement, a prévenu le Dr Gyliane Woël avant de souligner que la stigmatisation n’est pas le bon comportement à avoir parce que n’importe qui peut être infecté par le Covid-19. La maladie n’a pas de préjugé. La stigmatisation, les attaques ne serviront à rien, a-t-elle poursuivi. «C’est mal venue mais c’est la peur qui la provoque cette stigmatisation », a insisté Dr Woël Plaidoyer de Woël pour l’éducation et la santé         Pour le Dr Gyliane Woël, la stigmatisation est aussi le produit du déficit d’éducation, de l’ignorance d’une partie de la population. Reconnaissante vis-à-vis de la participation du secteur privé dans la lutte contre le Covid-19, le Dr Gyliane Woël a appelé le secteur privé à s’engager dans la durée, à sortir des « participations ponctuelles » pour aider au relèvement de l’éducation et de la santé en Haïti. « Notre système de santé et d’éducation ne devaient pas être dans cet état », a-elle poursuivi. Le déni de la maladie est lié à l’ignorance. L’éducation et la santé marchent de pair, a plaidé le Dr Gyliane Woël, qui travaille dans des hôpitaux privés mais surtout dans des hopitaux publics qui n’ont pas les moyens de l’hôpital universitaire de Mirebalais. Le Dr Gyliane Woël se dit  favorable aux tests massifs. Il faudrait multiplier la possibilité de faire des tests de dépistage du Covid-19, avoir divers points où il peut être fait. En Allemagne, beaucoup de tests ont été effectués. Cela a permis de réduire la propagation de la maladie, a indiqué le Dr Woël avant d’évoquer les problèmes de ressources d’Haïti qui ne pourrait pas compter sur des bailleurs de fonds qui, confrontés au Covid-19, accordent la priorité à leurs pays et à leurs concitoyens. Soulagée d’être sortie de l’hôpital, le Dr Gyliane Woël, placée en quarantaine durant 15 jours, s’est isolée chez elle. Sa fille et son frère, testés négatifs, ne sont pas à la maison. Les membres du personnel de maison, testés négatifs, portent des gants, des masques et n’ont pas de contact physique  avec le Dr Woël qui reprend sa voix, du poids et du poil de la bête avec une volonté de croquer la vie et de dire, de raconter son expérience au pays. En ces temps de crise , son vécu peut aider à sensibiliser, à briser le mur de la stigmatisation… et à faire croire que le Covid-19 existe et fait silencieusement son œuvre au sein de la population.