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Le Nouvelliste

Le Covid-19 à l'hôpital universitaire de Mirebalais: entre gestion du présent et crainte de l'avenir

April 14, 2020, midnight

Pas moins de 12 patients infectés par le Covid-19 ont bénéficié des soins de santé à l'hôpital universitaire de Mirebalais depuis le 19 mars 2020. Cet hôpital tertiaire, qui dispose d'une vingtaine de lits pour la prise en charge des cas de Covid-19 en Haïti, est en train de faire une expérience inédite face à une maladie qui, il y a 6 mois, n'existait pas dans la littérature médicale. À Mirebalais comme un peu partout où l'on fait la prise en charge du Covid-19, le Dr Benoucheka Pierre, coordinatrice de l'unité des maladies infectieuses à l'HUM, précise qu'il y a un protocole pour les trois catégories de cas généralement rencontrés dans l'infection causée par le nouveau coronavirus (SRAS-COV-2). « La prise en charge diffère selon qu'il s'agit d'un cas léger, modéré ou sévère. Pour les cas légers, on garde la personne en observation, on privilégié une approche symptomatique. Pour les cas moyens, il faut prendre plus de précaution, car à n'importe quel moment ces derniers peuvent s'aggraver. S'agissant des cas sévères caractérisés par une détresse respiratoire due à une hypoxémie (diminution de l'oxygène dans le sang), on adopte une approche ciblée qui consiste, entre autres, en un monitoring strict et de l'oxygenothérapie », a détaillé le Dr Benoucheka Pierre, qui fait également office de responsable des soins intensifs à l'hôpital universitaire de Mirebalais. Le médecin, qui répondait aux questions des journalistes de la radio Magik 9, a souligné qu'au-delà des considérations liées à la présentation classique des cas, il faut saisir le patient à travers les tares et les comorbidités. En Haïti, comme partout ailleurs, ce sont des pathologies comme le diabète et l'hypertension artérielle qui dominent le tableau clinique des cas sévères, a fait savoir le Dr Benoucheka Pierre. « Pour faire face à ces cas, il faut adapter le protocole en vue d'assurer la prise en charge du Covid-19 ainsi que la ou les pathologies associées. Des radiographies itératives sont nécessaires ainsi que d'autres examens paramédicaux dans le but de suivre l'évolution de chaque cas et prendre les décisions appropriées  à temps. » Pour ceux qui croient que les jeunes, sans comorbidité, sont à l'abri des effets néfastes du Covid-19, loin s'en faut. Il faut prendre toutes les précautions, car cette nouvelle maladie cache parfois des surprises désagréables que les connaissances actuelles n'arrivent pas encore à élucider. « On a un jeune de 30 ans, sans comorbidité, qui présente une forme sévère de Covid-19. Il a été placé sous oxygène en attendant une amélioration de son état. Personne ne peut expliquer pourquoi il a développé cette forme sévère, la prudence à travers les moyens de prévention est alors recommandée », soutient le Dr Pierre. Dans cette entrevue croisée qui a duré une trentaine de minutes, le Dr Ralph Ternier, responsable du Task Force Covid-19 à l'hôpital universitaire de Mirebalais, a dressé un portrait-robot de la situation qui se profile à l'horizon. Pour l'instant, on ne peut pas se plaindre, tout va bien en termes de capacité de réponse, a confié le Dr Ternier. Cependant, le médecin craint comme beaucoup d'observateurs que cela ne soit pas le calme qui précède la tempête. « On a un personnel mobilisé en permanence depuis le 19 mars 2020. Rien que pour enfiler les équipements de protection individuelle et devoir travailler sous un soleil de plomb, c'est un sacrifice qu'aucun mot ne pourra décrire. En plus que les cliniques externes fonctionnent au ralenti, nos 20 lits dédiés au Covid-19 risquent à tout moment d'être remplis avec nécessité de devoir aménager d'autres espaces. Les prochains jours ne seront pas cléments », s'est alarmé le Dr Ralph Ternier. Apostrophant les autorités gouvernementales sur le mouvement des personnes à la frontière haïtiano-dominicaine qui risque de faire augmenter les cas de transmission communautaire, le Dr Ternier attire l'attention des autorités sur le fait que ces personnes proviennent le plus souvent des zones à risque en République dominicaine avant de se disperser un peu partout à travers le pays. Durant ces 30 minutes, les 2 invités, les Drs Benoucheka Pierre et Ralph Ternier, ont passé en revue la plupart des inquiétudes et interrogations de la population. À la question de savoir pourquoi il n' y a pas encore de guérison, les médecins ont précisé : « On peut donner l'exéat à une personne face à une rémission clinique corrélée par les examens paramédicaux. Cependant, la personne sera testée positive jusqu'à environ 40 jours après l'amendement du tableau clinique, donc impossible de parler à ce stade de guérison. » L'autre aspect qui angoisse les observateurs est la gestion des cadavres. De ce côté, encore une fois, l'hôpital universitaire de Mirebalais dispose d'un protocole calqué sur celui de l'Organisation mondiale  de la santé (OMS) et un personnel préposé à cet effet. Les cadavres peuvent contaminer ceux qui en font la manipulation post mortem ; il y a des équipements appropriés à porter et un protocole à respecter dans la gestion des cadavres afin de limiter les risques de contamination. Profitant de l'occasion pour remercier les donateurs qui aident l'hôpital universitaire de Mirebalais dans sa lutte incessante contre le Covid-19, le Dr Ralph Ternier pense que ce moment doit servir de catalyseur à ceux qui veulent aider de le faire en amont, avant les catastrophes et de manière systématique pour un système de soins plus efficace. « Se laver les mains, porter un masque, pratiquer la distanciation physique, manifester de la solidarité à l'égard des malades », tels sont les conseils prodigués par les médecins qui pilotent l'un des plus grands centres hospitaliers du pays dans la gestion de la crise du Covid-19 en Haïti.