Le Nouvelliste
Manifestation à Port-au-Prince pour réclamer justice pour le bâtonnier Monferrier Dorval et l’étudiant Grégory Saint Hilaire
Oct. 5, 2020, midnight
La journée de mobilisation a débuté tôt lundi par une manifestation des étudiants. Ils ont dénoncé l’assassinat de leur camarade par des agents de l’Unité de sécurité du palais national (USGPN). Des pneus enflammés ont été érigés notamment à l’avenue Christophe. Au moins deux véhicules immatriculés Service de l’Etat ont été incendiés au centre-ville. La police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants à l’avenue Christophe où se situe notamment l’INAGHEI, la Faculté des sciences humaines ou encore l'Institut d'études et de recherches africaines (IERAH). La marche des avocats a démarré dans les parages de la Cour de cassation où se déroulait la cérémonie d’ouverture des travaux de la nouvelle année judiciaire. Offusqués du fait que l’accès a été interdit aux avocats, les membres du barreau ont quitté la cérémonie pour rejoindre leurs collègues. Dehors, le bâtonnier a.i. Suzy Legros, a lu le discours qu’elle devait prononcer à la cérémonie avant de lancer la marche. En nombre réduit, comparativement à leur dernière manifestation, les hommes de la basoche ont continué de dénoncer l’assassinat de Me Monferrier Dorval. Les avocats protestataires ont également exigé que la justice identifie le ou les commanditaires du crime et que les autorités mettent sur pied une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière sur cette affaire. Le secrétaire général du barreau, Me Robinson Pierre-Louis, a confié au journal que la marche de protestation de ce lundi a été décidé à la suite d'une assemblée générale. « Nous dénonçons l’assassinat de Me Dorval et nous réclamons justice », a-t-il précisé. Peu d’avocats ont répondu à l’appel ce lundi. Me Robinson Pierre-Louis n’y voit rien d’anormal. « Certains avocats ont décidé de partir parce qu’ils n’ont pas pu prendre part à la cérémonie d’ouverture des travaux judiciaires. Certains autres n’ont pas pu nous rejoindre à cause des tensions dans le centre-ville. D’autres ne sont pas venus parce qu’ils ont des réserves sur la marche. C’est normal. Ce qui est sûr, c’est que tous les avocats sont d’accord qu’il faut rendre justice au bâtonnier Monferrier Dorval », a fait savoir Robinson Pierre-Louis. Me Darlène Moïse, membre du barreau de Port-au-Prince, a averti que les avocats ne vont pas lâcher prise avant d’avoir obtenu justice. « On a commandité l’exécution de notre bâtonnier. Les exécutants, auteurs intellectuels et complices doivent être traduits devant la justice pour répondre de leurs actes. Il y a eu un rapport qui a été publié mais cela ne suffit pas. Nous allons rester vigilants afin de suivre toutes les étapes de la procédure, ce, afin d’obtenir ce que nous sommes en train de réclamer », a-t-elle déclaré, se montrant sceptique du travail réalisé jusque-là par le commissaire du gouvernement. Pour sa part, Me Montus Joachim estime que l’assassinat de Me Dorval équivaut à l’assassinat du rêve de la nation. « Il a été abattu dans les parages de la résidence du président. Nous sommes convaincus que ce crime a été planifié. Il nous faut parvenir à l’auteur intellectuel de cet assassinat en plus des exécutants, auteurs et complices. Pour que la victime puisse obtenir justice, il nous faut une commission d’experts internationaux qui doivent mener une enquête impartiale. On a également besoin de juges compétents et professionnels qui soient à même de mener une enquête sur cet assassinat », a-t-il exigé. À la rue Capois, les avocats ont été rejoints par des étudiants et d’autres membres de la société civile. Ils ont arpenté l’avenue Jean Paul II, l’avenue Martin Luther King, avant de terminer la marche devant le cabinet du feu Me Dorval à la rue Rivière. Sur le parcours, un bâtiment du ministère de l’Éducation nationale, des succursales de la Sogebel, la BNC, la Sogebank, et la Unibank ont fait l’objet de jets de pierres. À la rue Rivière, le bâtonnier a.i Suzy Legros a dénoncé l’incapacité de l'Etat haïtien à assurer la sécurité de ses concitoyens. « Quel est cet État qui reste indifférent à l’assassinat d’un bâtonnier dans l’exercice de ses fonctions? Quel est cet État qui permet à un agent des forces de l’ordre d’assassiner un étudiant dans les locaux mêmes d’une faculté parce qu’il disait non à la violence et oui à l’Éducation ? Quel est donc cet Etat où l’on massacre des citoyens dans leurs quartiers ? Quel est le nom de cet Etat où l’on met le feu à un bâtiment universitaire et où on brûle les livres ? Où est donc la justice en Haïti? Où la rend-on? Dans quel lieu et au nom de quoi ? », s’est-elle interrogée. À la fin de la marche des avocats, étudiants et militants ont continué jusqu’en fin d’après-midi. Des scènes de tension ont été enregistrées dans les parages du Champ de Mars. Au moins un manifestant a été interpellé en marge de ces débordements. Une personne a également été tuée par balle au champ de mars.