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Le Nouvelliste

PNH : des marqueurs de la défaillance…

March 22, 2021, midnight

Sans langue de bois, Michel-Ange Gédéon, en passant le maillet, a fait le grand déballage, prévenu des risques d’effondrement de la PNH. Le 27  août 2019, dans son discours, il a tancé des « ingrats », des « traitres », des «détracteurs », sans faire l’économie de souligner qu’il n’appartenait à aucun camp, à aucune chapelle politique. Éprouvé, Michel-Ange Gédéon avait appelé les jeunes générations à se « grouper »  « autour de la hiérarchie sommitale pour bien guider, orienter et bien gérer l’institution » afin de conserver les acquis  « professionnels et déontologiques ». « Je me suis attelé à combattre la division, la politisation et une certaine polarisation au sein même de notre police », avait indiqué Gédéon, appelant ses pairs à rester « unis » et « forts ». Méfiez-vous des politiciens « Si, en portant l’uniforme, vous vous amusez à faire le jeu des politiciens, vous allez en payer le prix, malheureusement avec l’institution », a-t-il dit avant d’enfoncer le clou. « Dans des moments difficiles, vous allez vous trouver seuls face à de hauts cadres de l’Etat pour la plupart sans hauteur, sans poigne, fuyard et malhonnête privilégiant les commérages malveillants, les ragots désobligeants, les petits coups bas d’amateurs stupides et débiles. Ils ne sont habiles qu’à faciliter des courts métrages dignes de metteurs en scène de seconde zone, au lieu de poser les vrais problèmes avec hauteur et dépassement de soi », a conseillé Michel-Ange Gédéon, polémique en disant à ceux qui fêtent son départ que « cela ne prendra pas longtemps pour qu’on dise : « si Gédéon te la ». Michel-Ange Gédéon, choisi par le président provisoire Jocelerme Privert, voté par le Sénat, avait parfois provoqué l’ire de certains parlementaires. La DCPJ, sous son administration, est parvenue à mener des enquêtes. La PNH  a appréhendé le chef de gang Arnel Joseph et mis sous les verrous des ressortissants étrangers lourdement armés dans les parages de la BRH en février 2019. Cette arrestation avait son petit poids d’embarras pour des chefs. Sous Michel-Ange Gédéon, le plan de développement de la PNH a été royalement méprisé par l’exécutif. Rameau Normil, le calvaire d’un policier star de la PJ à la direction générale Son remplaçant, Rameau Normil, a tenu la barre avant les premiers coups de boutoir d’éléments de la base voulant à tout prix monter un syndicat au sein de la PNH. Le Premier ministre Jean Michel Lapin a été ferme, appuyant l’état-major dans les sanctions contre les responsables de violence observé pendant ce mouvement. Mais quand Jean Michel Lapin s’est fait débarquer de la Primature, une digue a sauté et l’autorité de l’état-major a été foulée au pied. Le Premier ministre Joseph Jouthe avait désavoué l’état-major de la PNH, explosé le petit reste d’illusion de cohérence et de continuité de l’action gouvernementale en obtempérant totalement aux injonctions des policiers favorables à la création d’un syndicat et à la réintégration de cinq membres du SPNH révoqués par le DG Normil Rameau sur recommandation de l’IGC  à cause, entre autres, des actes de violence enregistrés à l’inspection générale le 7 février 2020. Sous pression, après une nouvelle journée émaillée de coups de feu, de violence verbale sur des employés de la fonction publique, d’attaques contre des ministères, de destruction partielle de véhicules, de mobiliers de l’Etat par des policiers de « Fantom 509 et d’autres individus cagoulés sur fond de passivité de toutes les unités spécialisées en charge de la sécurité et du maintien d’ordre, le Premier ministre Jouthe a capitulé. L’exécutif et l’état-major de la police ont perdu l’épreuve de force après avoir étalé incurie, maladresse et incapacité à prendre toute la mesure du malaise pour y apporter un sédatif à défaut de solutions plus globales et plus durables. Rameau Normil, désaveu public quasi historique Au mois d’août 2020, le Premier ministre Joseph, face à la montée de l’insécurité, descend en flammes le directeur général de la PNH en public, au palais national, en présence du président Jovenel Moïse. « Il y a un problème au niveau de la police. Yon moun se oubyen ou chèf, oubyen ou pa chèf. Un chef doit prendre ses responsabilités, quand vous passez un ordre, il doit être exécuté… Moi, je suis fatigué… Si on me révoque pour autre chose, d'accord, mais si on me révoque pour incompétence, je ne pourrai pas l’accepter », avait lancé le Premier ministre, s’adressant  au chef de la police. « Je réalise que malgré les acquisitions des blindés, la performance de la PNH n'a pas été améliorée », avait tranché le chef du CSPN avant d’enfoncer : « … J’admets aussi que les machines ne peuvent remplacer le professionnalisme, le savoir-faire et la volonté des agents pour combattre ce fléau qui ne fait que durer malgré tous les efforts consentis par le gouvernement ». Acculé, poussé dans les cordes, Rameau Normil est resté technicien. « Un homme, une mission, des moyens. Il n’y a pas de comparaison entre le manque d’équipements et la compétence. Je sais ce que je fais, j’ai fait l’infanterie militaire… », avait rétorqué le chef de la Police nationale concernant l'insatisfaction du Premier ministre.    « La sécurité n’est pas seulement le travail de la police. Ce n’est pas seulement le travail des équipements. Les équipements doivent répondre à la réalité », a affirmé Rameau Normil. Le directeur général de la PNH avait fait savoir qu’il a un plan global et opérationnel de sécurité basé sur plusieurs axes comme assurer la reprise des activités scolaires, sécuriser les grands axes routiers, lutter contre le kidnapping, démanteler les gangs armés... « Se youn nan bagay mwen pi fò ladan l, mwen abitye ladan l, mwen konn fè l deja », a affirmé le chef de la police. Rameau Normil déclare hériter de plus de passif que d’actif dans la PNH. Le 16 novembre 2020, Rameau Normil a été mis à pied et remplacé par Léon Charles. Si le nouveau DG jouit de la confiance du Premier ministre Jouthe et du président Jovenel Moïse, l’efficacité escomptée n’est pas encore au rendez-vous. Il n’a toujours pas pu inverser la courbe des kidnappings, prendre le contrôle des zones de non-droit où les victimes de kidnapping sont séquestrées. A côté du fiasco du 12 mars à Village-de-Dieu, l’évasion de plus de 400 détenus à la prison civile de Croix-des-Bouquets fait tache au bilan de Léon Charles, en charge d’une police dont les membres s’entretuent. Presque une décennie de cela,en 2012, un éditorial de Frantz Duval, « Des boutons aux tumeurs malignes », avait repris un rapport du RNDDH qui avait photographié la PNH sur toutes les coutures. Et dans une lettre adressée au directeur général, le Réseau déplore que « depuis quelque temps, des filatures suivies d'échanges de tirs d'armes automatiques qui se sont soldées par mort d'hommes se déroulent dans les rues de la capitale. Des portes de maisons sont enfoncées, des enfants ainsi que des adultes sont enlevés, des femmes et des jeunes filles sont violées. A cette date, la PNH n'a pas su montrer sa volonté réelle d'assurer la sécurité de la population haïtienne et, conséquemment, la confiance de celle-ci en la seule force de police s'effrite chaque jour. » Le RNDDH avait également  mis en garde contre l’option « d’intégrer au sein de l'institution policière d'anciens policiers et des civils à la moralité douteuse ». Les craintes se muent en accusations quand, dans la lettre, il est dit : « En intégrant dans les services de sécurité du président de la République d'anciens policiers ainsi que d'anciens militaires, connus pour leur immoralité et leur implication dans des actes répréhensibles, le pouvoir politique actuel a déjà donné la preuve de son manque de respect des règles déontologiques devant caractériser la gestion de l'institution policière. C'est aujourd'hui à vous qu'il revient de régulariser cette situation. »