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Le Nouvelliste

Kidnapping : des annonces en pagaille en attendant des résultats probants 

March 4, 2021, midnight

Parmi les mesures annoncées ces dernières vingt-quatre heures par les autorités dans la lutte contre le kidnapping, celle sur l’annulation du droit de teinte fixé à 10 000 gourdes dans le « décret de budget » de l’exercice 2020-2021, fait des gorges chaudes. Si certains sont disposés à faire des sacrifices pour réduire la vulnérabilité de tous et de chacun face à des kidnappeurs qui utilisent souvent des véhicules aux vitres teintées, d’autres s’offusquent et dézinguent le gouvernement. La manière pose problème. L’annulation de ce droit de teinte devrait être effectuée via un autre décret, annulant les dispositions du « décret de finances » instituant  ce droit. Un crédit d’impôt devrait être octroyé à ceux qui ont payé ces 10 000 gourdes. Le gouvernement devrait au moins communiquer sur cette mesure…, sont parmi les positions exprimées. À l’évidence, l’institution de ce droit de teinte, sans analyse préalable et pointue de son impact sur la sécurité publique, a été décidée sur un coin de table. Le caractère abrupt de son annulation tend à le confirmer. Pour la crédibilité des autorités, cela fait bazar, confirme une approche instinctive de la sûreté publique, de la sécurité publique qui nécessite la mise en place de politique, de plan, de programmes, de protocole opérationnel standard, de mesures, de suivi et d’évaluation d’impact des dispositifs. Si leur utilité n’est pas contestable, les autorités préposées à la sécurité publique font cependant du renforcement des patrouilles, la mise à disposition d’un standard téléphonique pour contacter la police en cas de kidnapping une nouvelle. Un numéro d’urgence connu de tous- comme le 911 aux États-Unis ou le 114 en Haïti dans le temps- pour contacter la police est un minimum. La présence policière via des points fixes, des patrouilles, est un minimum. La présence constitue le premier degré de force. Mais ces dispositifs ne sont jamais constants et efficients sur la durée. Si les efforts pour réduire nos vulnérabilités face aux kidnappeurs sont à encourager, l’éradication ou la réduction des enlèvements à un seuil relativement acceptable est une gageure tant et aussi longtemps que les lieux de séquestration se trouvent à Village-de-Dieu, Grand-Ravine et dans d’autres des points du territoire contrôlés exclusivement par des gangs armés réputés proches du pouvoir et de gens puissants du milieu des affaires.   Jusqu’ici, les opérations de la police dans le fief de ces gangs sont loin de donner les résultats escomptés. Village-de-Dieu, Grand-Ravine sont comme des forts imprenables. Le gang des 400 Mawozo a repris le collier. Plusieurs kidnappings sont imputés à ce gang dont les membres ont ouvert le feu mercredi sur un autobus bondé de personnes qui se rendait en République dominicaine. Pour le moment, l’addition des coups manqués de la PNH mine la confiance du public. Si certains croient que la police n’a pas les coudées franches pour agir, d’autres pointent du doigt l’instrumentalisation de la terreur à des fins politiques. Ceux qui soutiennent cette thèse accusent M. Moïse de masquer la réalité à l’ONU où un rapport du BINUH a indiqué que les kidnappings ont augmenté de 200 % en 2020. Les faits alternatifs présentés par Jovenel Moïse à la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU fin février sur la réduction considérable des enlèvements et le démantèlement de 64 des 102 gangs recensés dans le pays n’est pas le fruit du hasard. Sans sourciller, ni même corriger ses affirmations à l’ONU, M. Jovenel Moïse, lundi, a égrené le chapelet des mesures pour lutter contre le kidnapping. Il a annoncé  la création d’une cellule anti-kidnapping pour renforcer la cellule anti-enlèvement qui existe déjà à la DCPJ. Cette nouvelle cellule sera composée des entités publiques comme la secrétairerie d’État à la Sécurité publique, le ministère de l’Intérieur et de toutes les autres structures travaillant dans le renseignement et la sécurité publique sous le leadership du directeur général de la Police nationale, avait expliqué le chef de l’État qui a également annoncé des mesures dans la lutte contre le trafic d’armes et de munitions. Anéantissant l’effet de surprise de la  discrétion dans la recherche des propriétaires de fonds accumulés aux dépens de victimes de kidnappings, Jovenel Moïse a aussi annoncé que « l’UCREF, l’ULCC, le ministre des Finances, la BRH… allaient suivre les mouvements d’une série de fonds avec des outils légaux dans le système financier ». Sans rentrer dans les détails, des chefs du CSPN ont indiqué qu’il y aurait des fouilles systématiques de véhicules SE et des anciennes plaques «Officiel». Les véhicules officiels avec la nouvelle plaque garderont leurs teintes. Cependant, aucune évaluation d’impact n’est proposée depuis l’annonce il y a plus de deux ans du PM Jean Michel Lapin que les plaques ''Officiel'' « tombent » lorsqu’il y a des fouilles et des opérations de police. Cela dit, il n’échappe à personne que beaucoup de véhicules impliqués dans les enlèvements ont des plaques Service de l’État (SE) et Officiel. Il n’échappe à personne non plus que des kidnappeurs utilisent des véhicules, des équipements de protections personnels, un armement et des modes opératoires semblables à ceux des forces de sécurité. Et tout cela renforce la méfiance et la peur Entre-temps, comme d’habitude, c’est le temps qui permettra de confirmer, de reconfirmer les tâtonnements, la navigation à vue dans un domaine où les coups ratés coûtent cher : de l’argent et des vies. Roberson Alphonse