this used to be photo

Le Nouvelliste

Pour Helen La Lime, la crise institutionnelle haïtienne risque de s'approfondir

Feb. 23, 2021, midnight

La représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU en Haïti, Helen La Lime, s’est adressée au Conseil de sécurité le lundi 22 février 2021 pour faire le point sur la situation en Haïti. Après avoir vanté le professionnalisme de la Police nationale d’Haïti (PNH), Mme La Lime a exprimé sa profonde préoccupation par rapport à la récente recrudescence des enlèvements ainsi que par l'impunité persistante et le manque de responsabilité pour les crimes graves en Haïti. « Pour lutter contre ces fléaux qui contribuent grandement à l'instabilité du pays, les autorités doivent démontrer leur engagement et leur capacité à arrêter et à poursuivre les criminels et les auteurs de violations des droits humains, ainsi qu'à prendre des mesures concrètes pour protéger les citoyens », a recommandé Helen La Lime, assimilant les défis sécuritaires liés à la tenue du référendum et des élections ainsi que les menaces posées par l'association de « Fantom 509 » avec des groupes criminels à un test crucial pour la PNH. À en croire la représentante spéciale,  malgré le calme précaire qui règne actuellement dans le pays, la polarisation qui a défini la majeure partie du mandat du président Moïse est devenue encore plus aiguë. Les positions des principaux acteurs de cette crise politique se sont encore durcies, selon Mme La Lime, en grande partie par les efforts de l'opposition pour renverser le président Moïse le 7 février, ainsi que les mesures prises par l'exécutif pour réagir à une prétendue tentative de coup d'État et à l'annonce d’autoproclamation de président de la transition d'un juge à la Cour de cassation. Alors que le pays se prépare à entrer dans une période électorale tendue, les relations entre l'exécutif et les branches du pouvoir judiciaire deviennent de plus en plus tendues, et le président Moïse continue de gouverner par décret, a poursuivi Mme La Lime.  Pour cette dernière, la crise institutionnelle dans laquelle le pays est plongé depuis que le Parlement a cessé de fonctionner en janvier 2020, suite à l'expiration des mandats de tous les parlementaires de la Chambre basse et d'une majorité de sénateurs, sans la tenue d'élections législatives, risque de s'approfondir. Pour l’envoyée spéciale, ces derniers mois, l'opposition n'avait pas réussi à mobiliser un large soutien populaire pour sa campagne d'éviction du président de la République. Elle a chiffré à quelque 3 000 les manifestants qui ont défilé pacifiquement dans les rues de Port-au-Prince le 14 février dernier pour dénoncer ce qu'ils jugent être un risque imminent de retour à un régime autoritaire. « C’est dans ce contexte complexe et potentiellement instable que des progrès continuent d’être accomplis dans la préparation des différents événements électoraux prévus cette année », a souligné Helen La Lime, saluant l’installation par le Conseil électoral provisoire de ses bureaux dans les dix départements du pays et le versement par le gouvernement haïtien de 20 millions de dollars au fonds commun électoral géré par l'ONU pour financer à la fois l'achat de matériel de vote et la formation du personnel électoral, ainsi que pour couvrir les coûts opérationnels et logistiques pour la tenue d'un référendum sur une nouvelle Constitution, dont le projet de texte a été rendu public le 1er février dernier. Par ailleurs, la représentante spéciale de l'agence onusienne a noté que le processus choisi par le gouvernement pour procéder au changement de la Constitution est toujours perçu par certains comme manquant de légitimité, même s'il existe, souligne-t-elle, un consensus général entre les parties prenantes haïtiennes et la population en général sur la nécessité de changer la charte actuelle du pays.  « Tous les secteurs de la société haïtienne, y compris les partis politiques, le secteur privé, la société civile, les églises, les groupes de femmes et la diaspora, devraient avoir amplement l'occasion de débattre et de contribuer au projet de texte », a suggéré Helen La Lime, plaidant pour que des efforts supplémentaires soient déployés pour s'assurer qu'un plus grand nombre de citoyens haïtiens soient enregistrés et reçoivent la nouvelle carte d'identité nationale qui leur permettra de voter. « Malgré la contribution initiale du gouvernement, l'ensemble du processus électoral reste nettement sous-financé. Cette situation nécessite l'attention urgente des partenaires internationaux d'Haïti, de peur que les élections législatives, présidentielle et locales ne soient retardées », a alerté la représentante d’Antonio Guterres en Haïti, soutenant que le peuple haïtien mérite l'opportunité de s'exprimer à travers les urnes dans un climat apaisé et de décider activement de la direction que prendra son pays, à l'abri de la peur de l'intimidation et de la violence politique. « Seul un renouveau démocratique, résultant de la tenue rapide d'élections crédibles, transparentes et participatives, peut fournir à Haïti l'occasion de surmonter sa crise politique prolongée et permettre à sa société et à ses dirigeants de concentrer leur attention sur la mise en œuvre de la gouvernance et des réformes économiques nécessaires pour remettre le pays sur la voie du développement durable », a prescrit Helen La Lime, signalant que les progrès du pays vers la réalisation des objectifs de développement durable semblent avoir stagné et, dans certains cas, ont même régressé, malgré les sommes importantes et les efforts infatigables investis dans le développement d'Haïti au cours des 25 dernières années. À titre d’exemple, la situation humanitaire dans le pays est de plus en plus désastreuse, a-t-elle indiqué. Les dernières estimations indiquent qu'environ 4,4 millions de personnes auront besoin d'une aide humanitaire en 2021, en grande majorité en raison d'une augmentation de l'insécurité alimentaire aiguë.