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Le Nouvelliste

Journée nationale de la diaspora: célébrons la solidarité !

April 24, 2020, midnight

L’autre bord de l’eau, là-bas, pays blanc sont autant d’appellations pour désigner la terre étrangère. Haïti est le centre, le monde sa périphérie, selon l’Haïtien. Nous vivions la mondialisation par anticipation, dès le XIXe siècle. Partir, c’est l’alternative à ce pays inachevé. L’Haïtien naît, émigre et meurt. Haïti est devenu un point de départ ! Et l’exil, la voie de sortie, l’aboutissement au pays rêvé. Autour de 3 millions d’âmes formeraient la diaspora haïtienne, disséminée à travers le monde. Depuis 2011, avec Edwin Paraison, comme ministre des Haïtiens vivant à l'étranger, le 20 avril est consacré « Journée nationale de la diaspora ». Une date qui symbolise la solidarité de l’Haïti du dehors et du dedans. Tourner dos à Haïti pour mieux porter ce pays, à la manière d’un portefaix s’attaquant à un poids oppressant, écrasant et pesant. Le 20 avril 1990, plus de 100 000 Haïtiens ont porté l’honneur et la réputation d’Haïti sur le « Brooklyn Bridge » et ont forcé la « Federal Drug Administration » (FDA) à enlever les Haïtiens du groupe à risque des 4 H porteurs du sida. Le migrant haïtien travaille pour lui-même et pour ceux qui restent au pays. C’est un pacte silencieux qu’aucune parole ne peut rompre, même celles inscrites maladroitement dans la Constitution et nos lois. Il faut comprendre que la décision du départ d’un individu hors d’Haïti est devenue une mission collective. C’est souvent un projet réfléchi étudié et surtout financé par la famille. Ainsi 4 migrants sur 10 transfèreront une partie de leur revenu à la famille et à leurs amis,  au pays d’origine, selon la Banque mondiale. Généralement les premiers transferts contribueront à rembourser les frais de voyage. Le rachat de cette portion de terre contre un prêt coupe-gorge de l’usurier du village. Ceci pourrait expliquer les records de transferts des 110 000 migrants Haïtiens du Chili ; 92 millions de dollars, en 2017. C’était le deuxième montant le plus élevé après la diaspora des Etats-Unis. Les montants expédiés par la diaspora haïtienne à leurs familles et leur proches « dépassent en moyenne, selon Alain Dubuc du quotidien La Presse, 20% du PIB, finance 70% du déficit commercial, et équivaut à 20 fois les investissements directs étrangers ». Les mouvements de transferts sont une chaîne aux maillons épais et solides. Au fait, ces chiffres de deux milliards de dollars, en moyenne par année, sont, officiellement, recensés par les banques centrales, à partir des données d’organisations financières qui y sont enregistrées. Ils ne tiennent pas compte des enveloppes scellées et des autres formes de transactions informelles opérées pour expédier l’argent vers Haïti. Toutefois, si cette manne qui ne cesse d’augmenter est significative, son inefficacité, comme outil macroéconomique, dans la lutte contre la pauvreté est désolante. Pourtant, elle est une bouée de sauvetage qui dépasse l’aide publique au développement. Jusqu’à présent, 75 % de l’argent reçu n’est utilisé que pour les consommations courantes des familles. Environ 8% pour les dépenses d’urgence de santé. Très peu d’argent ira aux investissements dans des projets d’affaires. Ces transferts ne peuvent, non plus, constituer le cheval de bataille comme le font souvent certains membres de la diaspora, dans leur lutte pour la reconnaissance de leurs droits constitutionnels. Cette bataille politique ne peut s’arcbouter derrière des gestes de solidarité naturelle nés hors contraintes réglementaires. Certes, le traitement politique des Haïtiens vivant à l’étranger est absurde. Mais il est inconcevable ce chantage de certains travailleurs migrants haïtiens qui font de leur transfert un marchandage. Ne transformons pas la solidarité familiale en une coalition d’égoïsme. Au contraire, les Haïtiens de la diaspora et ceux de l’intérieur du pays forment une association de deux entités liées dans une action commune : un tandem. Le duel est contre-productif, il porterait un coup fatal à ce qui nous unit ; notre solidarité. À travers le monde, plus de 700 millions de personnes sont dépendantes des transferts des proches. Les remises migratoires vers les pays en développement  représentaient 500 milliards de dollars en 2019. Plusieurs États ont réussi à gérer avec leur diaspora ces flux de devises afin qu’ils servent de levier de développement pour le pays et une source d’investissements pour leurs ressortissants. La prochaine chronique étudiera les chemins d’intégration empruntés par d’autres diasporas dans le monde.