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Le Nouvelliste

Décès de Me Gérard Gourgue, les droits humains en deuil

Dec. 4, 2020, midnight

Me Gérard Gourgue, affaibli, souffrant d’une infection urinaire, est mort ce vendredi 4 décembre à l’hôpital du Canapé-Vert où il était admis le 1er décembre, le jour de ses 95 ans. « Le dernier géant qui nous restait s’est éteint doucement, dans la paix, a confié Marina Gourgue, l’une de ses quatre filles. « C’est un modèle. Il ne m’appartient pas », a-t-elle indiqué à Radio Kiskeya au moment d’évoquer le parcours de Me Gérard Gourgue, plus de 50 ans dans l’enseignement et pionnier dans la défense des droits humains en Haïti. La papesse du « jounal 4è », Liliane Pierre Paul, des sanglots dans la voix, indique avoir perdu « un père spirituel », le pays, « une bibliothèque », « un homme vertical qui a toujours milité pour les droits humains ». « Il était toujours là pour nous quand nous étions emprisonnée, persécutée », a expliqué la journaliste, qui a survolé l’engagement politique de Me Gérard Gourgue, né en 1925, son prestige, la caution de crédibilité populaire et démocratique donnée au Conseil national du gouvernement (CNG) au sortir de la dictature des Duvalier le 7 février 1986 et son choix de jouer le rôle de « président symbolique » en 2001, après l’élection présidentielle de novembre 2000. Son ami et ex-chef de campagne électorale de l’élection présidentielle du 29 novembre 1987 noyée dans le sang à la ruelle Vaillant, le cinéaste Arnold Antonin, a salué le départ d’un homme « qu’il aimait beaucoup ». Me Gérard Gourgue, à un cheveu de la présidence, rendu à la postérité par le documentaire « Gérard Gourgue : l’homme qui aurait pu changer le cours de l’histoire » d'Arnold Antonin, n’avait pas perdu la tête. Il est allé de l’avant, se souvient Antonin, qui retient de son ami son affection, son humour et surtout son « grand amour pour sa femme », Paula Castor Gourgue, décédée il y a six ans. Sans détour, Evans Paul, homme de théâtre, activiste politique sous Duvalier et ex-maire de Port-au-Prince, ancien Premier ministre, a indiqué que l’on devait un bel hommage à Me Gérard Gourgue, « l’un des rares modèles à avoir marqué ce pays ». Pendant les années de plomb de la dictature des Duvalier, Me Gourgue, avec d’autres au sein de la Ligue haïtienne de défense des droits humains, avait joué un rôle déterminant. Il y avait beaucoup de cas de torture, de disparition, a indiqué Evans Paul, qui se souvient des démarches de sa mère auprès de Me Gourgue alors qu’il était arrêté par le régime. Le 9 novembre 1979, lors d’une conférence-débat animée par Me Gourgue, des sbires du régime ont fait irruption, arrosé de coups des participants. Il y avait des blessés, explique Evans Paul, soulignant qu’en ces temps, l’engagement de Me Gourgue nécessitait beaucoup de courage. L’avocat, ex-bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, professeur à la faculté d’ethnologie, à l’INAGHEI, a participé à la formation de nombreuses générations. Il avait la courte échelle à plus d'un, joué avec bienveillance le rôle de mentor. Le professeur Victor Benoit, ex-ministre, ex-chef de parti, l’une des figures politiques de l’après 1986, rend hommage à son professeur, à ce mentor, celui qui lui a fait une place pour enseigner les sciences sociales. « J’ai perdu un père spirituel. Haïti a perdu un de ses meilleurs fils », a insisté Victor Benoit. « Il fut un grand homme. Il imposait le respect. Me Gourgue a marqué le pays et la basoche. On ne peut pas l’oublier »,  a confié au journal Le Nouvelliste le bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Marie Suzie Legros, qui se souvient de ce professeur, de cet avocat au procès des timbres ayant porté tant de jeunes à étudier le droit. Me Gérard Gourgue, grand défenseur des droits humains sous la dictature des Duvalier, capable de claquer la porte du CNG face aux dérives de celui-ci, s’était beaucoup battu pour la justice sociale en Haïti, a indiqué Pierre Espérance, responsable du RNDDH, interrogé par le journal. « Il est mort à un âge avancé, fidèle à sa ligne. Il est mort avec dignité et avec ses convictions », a souligné Pierre Espérance, qui a présenté ses condoléances à la famille de Me Gourgue. Me Gourgue enseignait, conseillait, a retenu Espérance. « J’ai appris avec émoi le décès de Me Gérard Gourgue. Il a été un pionnier dans la lutte des droits humains en Haïti. Patriote convaincu, il a marqué l'histoire de notre pays par la profondeur de son engagement et son sens du civisme. Mes condoléances à la famille éplorée », a tweeté le président de la République, Jovenel Moïse. « J’ai appris avec tristesse la nouvelle de la mort de Me Gérard Gourgue, éminent juriste, professeur et défenseur des droits humains, qui a été une figure marquante de la scène politique au cours des décennies 70, 80 et 90. Mes sympathies à sa famille, ses proches et amis », a tweeté le Premier ministre Joseph Jouthe. L’Office de la protection du citoyen (OPC) a salué le « départ du grand défenseur des droits humains en Haïti, Me Gérard Gourgue ». « L’Office de la protection du citoyen a appris avec une profonde tristesse le décès, dans la journée du 4 décembre 2020, de Maitre Gérard Gourgue, président/fondateur de la Ligue haïtienne des droits de l’homme, ancien bâtonnier de l’ordre  des avocats de Port-au-Prince et ancien ministre de la Justice sous le Conseil national de gouvernement (CNG), installé après la chute des Duvalier en février 1986 », lit-on dans un message signé du protecteur du citoyen, Me Renan Hédouville. « L’OPC salue le départ de ce farouche défenseur des droits humains qui a combattu avec courage et détermination les différents régimes totalitaires qui se sont succédé dans le pays et qui  ont causé des torts irréparables à la population haïtienne », a poursuivi ce message qui souligne que Me Gourgue « restera toujours dans la mémoire de tous ceux et de toutes celles qui militent en faveur du respect des droits humains et de l’exercice de la démocratie en Haïti ». Roberson Alphonse Avec radio Kiskeya