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Le Nouvelliste

Crise : les facultés de l’UEH, perplexes, quant à la reprise des activités académiques

Nov. 26, 2019, midnight

Les huits semaines de « peyi lòk » drainent des conséquences sur les institutions d’enseignement supérieur dans le pays, notamment  sur le fonctionnement de l’Université d’État d’Haïti (UEH) contenant environ trente mille étudiants. La rentrée  universitaire prévue officiellement le 2 octobre dernier n’a pas eu lieu, en raison de la situation délétère. Les événements sont parvenus à rendre moite l’ambiance universitaire dans la plupart des différents espaces facultaires où ne sont remarqués que les gardiens/agents de sécurité. « Pour nous, cet arrêt de travail est une catastrophe, d’abord au niveau des activités de l’enseignement, ensuite, en ce qui a trait au défi majeur lié au processus d’accréditation, enfin les échanges internationaux… », affirme le doyen de la Faculté de médecine, de pharmacie et de l’École de technologie médicale, Dr Jean-Claude Cadet. L’enseignement au sein de la Faculté de médecine est assuré sur deux semestres, à raison de 15 semaines d’études au minimum.  Avec  les huit semaines perdues, il s’agit là pour le doyen d’un « gros choc » à ce niveau pour toutes les filières d’études de cette entité de l’UEH. « L’enseignement dans les classes, à la base, a pris un choc extraordinaire, y compris les stages pratiques », explique le doyen. Dans le cadre du processus d’accréditation au niveau international, la faculté qui entend se mettre à jour d’ici 2023, reçoit l’appui d’une équipe de professeurs venant des universités de Montréal et de Laval, en vue de favoriser une meilleure adaptation. Mais avec les semaines de « peyi lòk », elle a manqué différentes visites de travail important liées audit processus. Les cours assurés par des professeurs étrangers, tout comme ceux dispensés par des professeurs  français ou américains d’origine haïtienne, membres de l’Association des médecins haïtiens vivants à l’étranger (AMHE), et des professeurs travaillant à temps plein ont dû s’arrêter. « La faculté, pour des raisons de sécurité, se voit dans l’obligation de fermer ses portes. Nous sommes en difficulté. C’est une catastrophe. C’est la première fois, depuis cette décennie, qu’elle n’a pas fonctionné, durant deux mois…», regrette le doyen Cadet, soulignant toutefois qu’une équipe travaille à l’interne à étudier comment s’adapter.  « Nous aurions dû lancer nos activités académiques depuis le 30 septembre, mais la conjoncture nous a empêchés de respecter notre calendrier. Pour fonctionner à nouveau avec un calendrier normal, après avoir perdu ces mois, cela nous prendra (en termes de conséquences) trois années académiques. C’est très difficile… », soutient, pour sa part, le doyen de la Faculté d'agronomie et de médecine vétérinaire (FAMV), Louissaint Jocelyn. Autre conséquence de la paralysie de l’institution concerne les stages académiques des étudiants qui, également, devaient participer à des sorties de terrain dans le cadre de leur formation, explique le doyen. Les opérations relatives à la construction des bâtiments sont interrompues. Les travaux de recherches effectuées dans différents endroits du territoire sont boycottés. « Nous ne pouvons pas demander aux étudiants et aux professeurs de se rendre sur le terrain, compte tenu des difficultés rencontrées au niveau des routes… », ajoute le doyen de la Faculté d’agronomie et de médecine vétérinaire. Particulièrement à la FE, la situation se complique davantage… Le cas de la Faculté d’ethnologie est encore plus compliqué vu sa position au cœur du Champ de Mars, non loin du Palais national. C’est l’endroit privilégié par des militants qui entament, parfois, sur pied de guerre, des mouvements de protestation, ou qui les achèvent en queue de poisson, par des affrontements avec les forces de l’ordre. Souvent des cours sont perturbés à cause de la propagation du gaz lacrymogène dans l’espace facultaire. « Les impacts sont alors plus directs sur cette entité de l’UEH»,  concède le professeur Claude Mane Das, actuel doyen par intérim de la FE. Outre la situation de crise préalable interne paralysant déjà le fonctionnement de cette faculté qui a essayé de rattraper les heures de cours perdues, la crise a aggravé la situation par rapport aux autres facultés de l’UEH, croit le doyen, évoquant une situation de désolation de certains étudiants. Le mois dernier, le rectorat avait dénoncé un acte de vandalisme perpétré au sein de la FE, où l’autobus utilisé par l’institution pour faire des travaux de terrain avec les étudiants  était parti en fumée. Le nouveau décanat, qui a repris le contrôle de la faculté dans un contexte de crise, entendait gérer la situation, travailler sur des projets, de programmes de bourses, la qualité de l’enseignement, le nouveau code de règlement des études... Mais avec l’état de crise globale du pays, tout est, en grande partie, mis à l’arrêt jusqu’à ce qu’à un dénouement de la situation. « Nous sommes en train de réfléchir. Nous ne pouvons faire aucune projection ni de planification. Nous dépendons de l’évolution de la situation…», s’est plaint le doyen de la FE. L’ENS, la FDSE, FLA, l’INAGHEI, IERAH, FASCH sont toutes dans la même perplexité… Outre la paralysie administrative et académique de « l’École normale supérieure (ENS) », un groupe d’étudiants organise un mouvement de protestation dans l’enceinte dans le cadre d'un stage académique pour l'année scolaire 2018-2019. Ils se sont faits attaquer par des agents de l’USGPN qui n’ont pas hésité à tirer à hauteur d’homme sur la barrière principale de l’institution, selon une note du conseil de direction de l’institution, l’ayant dénoncé et condamné. Pour sa part, le doyen de la Faculté  de droit et des sciences économiques (FDSE), Élie Méus, juge regrettable que les institutions de formation du pays soient autant affectées par la conjoncture de crise.  Cette faculté, qui n’a pas pu réaliser son concours d’admission, n’a pas encore bouclé le cycle de programmes dans les différents niveaux d’études.  « C’est dommage. L’école  ne devait pas cesser de fonctionner. Quand l’éducation est affectée, cela aura des conséquences sur la société…», prévient le doyen,  invitant les Haïtiens à s’entendre pour diriger le pays, en accordant la priorité au bien-être collectif. À la Faculté de linguistique appliquée (FLA), les postulants attendent encore les résultats du  concours d’admission réalisé depuis septembre dernier.  L’année académique  est paralysée. Le problème est grave. Les conséquences sont d’ordre matériel, fonctionnel et même psychologique, estime le doyen Renaud Govin, regrettant cette situation. À l’Institut national d'administration, de gestion et des hautes études internationales (INAGHEI), les examens de fin de semestre d’études n’ont pas pu s’achever. Toutefois, les postulants ayant subi le concours d’admission depuis le 1er septembre, attendent encore les résultats. N’étant pas en mesure de fonctionner,  les responsables du décanat ont érigé une cellule de crise capable de répondre aux nécessités administratives des étudiants (certificats, lettres de recommandation, de support, attestations, relevés de notes…), confirme son doyen Robert Joseph. « Nous fonctionnons administrativement. Les activités académiques vont être reprises incessamment, dépendamment de la conjoncture du pays »,  rassure le professeur Marc Désir, responsable de l'Institut d'études et de recherches africaines (IERAH). Le secrétaire général de l’UEH, Wilson Dorlus, a évoqué une « situation limite », affectant les facultés qui ne peuvent pas convenablement se mettre au service de la communauté en ce moment. « Nous sommes sérieusement en train de réfléchir pour voir comment nous en sortir », a toutefois rassuré le responsable.