this used to be photo

Le Nouvelliste

Avancées et faiblesses du nouveau code pénal

July 16, 2020, midnight

Le décret relatif au nouveau code pénal publié le 24 juin dernier par le chef de l’Etat n’est pas bon uniquement pour la poubelle, selon l’Association professionnelle des magistrats (APM). Suite à un travail d’analyse, ladite Association a publié cette semaine un avis de huit pages dans lequel elle note des avancées et des faiblesses. « Le nouveau code pénal réprime certains comportements nouveaux au sein de la société et de nouvelles formes de déviance perpétrées à travers et à l’aide des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Il en est de même de la délinquance à col blanc et le trafic illégal des stupéfiants », note l’association, qui se félicite de la démarche des autorités de regrouper au sein du nouveau code pénal un ensemble de lois pénales en application plus ou moins récentes mais qui étaient extérieures au code pénal actuel. L’APM cite à titre d’exemple « des lois sur les discriminations, les violences faites aux femmes, la corruption et le financement du terrorisme ». Comme autre avancée obtenue grâce au nouveau code pénal, les juges ont mentionné la dépénalisation de certains comportements qui relèvent aujourd’hui plus de la déviance que de la délinquance. « Tel est le cas du vagabondage et de la mendicité », lit-on dans le document qui a fait toutefois remarquer que le code réprime l’exploitation de la mendicité. Le choix de réécrire le code pénal dans un style « simple » et « limpide » n’a pas manqué d’attirer l’attention des membres de l’Association professionnelles des magistrats. « La réécriture porte sur la formulation de l’énoncé légal pour la rendre plus claire et plus précise. Certaines infractions du code pénal de 1835, dont les éléments constitutifs ne sont pas assez clairement identifiés, sont la source d’interprétations abusives et ont été souvent à la base d’atteintes aux libertés individuelles…», signale l’APM. Les faiblesses La première faiblesse qui a soulevé la curiosité des magistrats concerne les dispositions de l’article 745. « Le déni de justice ne saurait être sanctionné par l’emprisonnement », dénoncent les magistrats tout en soulignant que la justice est un service public. « Ne pas rendre justice, sans motif valable, est une faute disciplinaire, non une faute pénale. La sanction appropriée ne saurait être une peine, mais plutôt une sanction disciplinaire contre le magistrat fautif », poursuivent-ils. La majorité sexuelle et l’orientation sexuelle sont deux des points ayant suscité le plus de débats et de récriminations par rapport au nouveau code pénal. «Le nouveau code pénal comporte de nombreuses dispositions donnant lieu à confusion au sujet de l’âge de la majorité sexuelle notamment les articles 277, 304, 384 », note l’APM, qui croit important de modifier ces dispositions du code et de fixer un âge de la majorité sexuelle. S’appuyant sur l’article 17 de la Constitution qui a ramené l’âge matrimonial de l’homme et celui de la femme à 18 ans, les juges recommandent « de fixer la majorité sexuelle de la femme ainsi que celle de l’homme à 18 ans ». «  En dessous de cet âge, la fille ou le garçon sera présumé ne pas avoir consenti à un rapport sexuel, ce qui permettrait de qualifier la relation sexuelle entre un majeur et une personne en dessous de cet âge de viol », avancent-ils pour justifier leur proposition. L’expression « orientation sexuelle » est évoquée dans pas moins de sept articles du nouveau code pénal. Il s'agit des articles  265, 275, 277, 289, 970, 971 et 980, selon un décompte de l’APM. « S’il faut reconnaitre le droit d’un groupe de personnes à la protection, l’Etat doit aussi balancer, en cas de conflit, entre la protection d’un droit et la préservation des valeurs morales et culturelles partagées par la population dans son ensemble pour éviter le trouble à la paix publique et le renversement de l’ordre social », jugent les membres de l’APM, qui notent le lien établi par plus d’un entre « l’utilisation outrancière » de cette expression et la « reconnaissance de l’homosexualité par l’Etat ».   Les dispositions des articles 221 et 226 portant respectivement sur l’amnistie et la réhabilitation constituent deux autres points faibles du code pénal. « Selon les dispositions de l’article 147 de la loi mère, il – le chef de l’Etat- ne peut accorder l'amnistie qu’en matière politique et selon les prescriptions de la loi », indiquent les magistrats après avoir signalé que si le nouveau code pénal est appliqué tel quel, le Chef de l'Etat pourra exercer le droit d’amnistie dans les cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, de l’Etat et de la paix publique, en toute matière, sauf dans les cas de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre.   Les juges ont également mentionné les mesures alternatives à la détention provisoire et à l’emprisonnement comme une autre faiblesse du document. Ils appellent le  gouvernement à consulter les différentes couches socioprofessionnelles de la nation autour du nouveau code pénal afin de trouver la cohésion nécessaire et d’opérer les modifications qui se révèlent indispensables à la préservation des valeurs fondamentales de notre société.