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Le Nouvelliste

Le Centre d’Art, 77 ans au service de l’art haitien

Jan. 20, 2021, midnight

C’est à la Maison Dufort, gingerbread situé à la rue du Travail, restauré entre 2012 et 2016 par la Fondation Connaissance et Liberté,   l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National, la Fondation Prince Claus, l’Institut du Patrimoine Wallon, le Worl Munuments Fund, devenue un lieu culturel important, avec notamment depuis quelques temps l’organisation des Jeudis de l’art contemporain, que le Centre d’Art propose depuis le vendredi 16 janvier, l’une des manifestations majeures de Haïti, le Printemps de l’art, l’exposition « Rèl ». Interrogé dans « Les Carnets d’Emmelie » dans la matinée du 16 janvier, Jean Mathiot, directeur exécutif du Centre d’art, a expliqué qu’il fallait un écrin approprié pour présenter le travail des artistes qui ont travaillé pendant de longs mois, les locaux du Centre d’Art, depuis le séisme de 2010, n’ayant plus la capacité d’offrir de véritables expositions et les futurs locaux de l’Institution à la Rue Casséus, à Pacot, ne pouvant pas encore recevoir des événements, que la Maison Dufort s’est imposée comme étant l’espace idéal. L’exposition « Rèl » est tellement grandiose qu’on ne peut ne pas sentir les 77 ans d’expérience du Centre d’art, devenu un véritable patrimoine national, comptant un fonds de  plus de 5 000 œuvres d’art haïtiennes. Déclaré d’utilité publique en 1987,  il ne reçoit néanmoins pas de financements de l’État, mais demeure « l’un des rares lieux où gens de milieux aisés et populaires peuvent se former, se côtoyer et échanger pour apprendre et développer leur art ».  L’histoire du Centre d’art est de celles  qui méritent d’être racontées. En 1943 débarque en Haïti un professeur américain, venu enseigner l’anglais dans le cadre d’un accord d’échange avec les Etats-Unis. Mais le passionné d’art qu’était Dewitt Peters, ancien étudiant à l’Art Student Leage et disciple du peintre et sculpteur américain Maurice Stern, a très vite compris le grand potentiel des artistes haïtiens et fonde au sein de l’Institut haïtiano-américain et avec son support une section artistique.  En 1944, il crée le Centre d’Art avec l’aide d’artistes et d’intellectuels haïtiens tels Albert Mangonès, Georges Remponeau, Philipe Thoby-Marcelin et notamment le support du gouvernement d’Elie Lescot.  Pour Jean Mathiot, le rôle crucial du centre a été la création d’un espace de rencontre et d’échange entre artistes haïtiens et une vitrine de propulsion de leur art  sur la scène internationale. « Le Centre d’Art a su créer une communauté d’artistes, favorisant une réflexion, une discussion, un dialogue entre artistes pour stimuler et créer une émulation intellectuelle et esthétique» a t-il dit. Les premiers artistes à avoir  bénéficié des bienfaits du Centre d’art, sont d’origine populaire selon M. Mathiot. Dewitt Peters les a rencontrés dans les campagnes, dans les lakou. Le directeur exécutif du Centre d’art ne partage pas l’avis de ceux qui qualifient la peinture de ces artistes de primitif ou de naïf par opposition à celle des artistes qui venaient de milieux beaucoup plus aisés qui pratiquaient un art dit moderne. « C’est un terme qui vient de l’Occident pour définir une peinture. C’est Malraux qui a beaucoup parlé d’art naïf ou d’art primitif. Ce terme  ne convient pas forcément, il est en débat. Et à mon avis, c’est l’histoire de l’art dans sa réécriture qui doit le changer ». La cohabitation de différentes expressions est une richesse  pour le Centre d’art, et cela  n’a pas changé 77 ans après. Il y a très peu d’endroits en Haïti où des gens de milieux aisés et ceux de milieux populaires travaillent ensemble, soutient-il. Cette alchimie a fonctionné. C’est toujours le cas en ce moment dans les cours d’art plastique dispensés au Centre qui reçoit des gens de toutes les origines sociales qui viennent, qui apprennent et essaient de développer leur art a poursuivi M. Mathiot.  L’objectif du Centre d’Art a toujours tourné autour de deux grands axes : la protection des œuvres d’artistes haïtiens ; le soutien à la création artistique contemporaine.  Par ailleurs, le centre maintient sa mission de transmission qui consiste à donner des cours d’art plastique à toutes sortes d’élèves, à les aider à pratiquer l’art et à développer leur pratique artistique. Il y a de grands artistes qui accompagnent des artistes moins confirmés au Centre d’Art.  Le Centre d’art expose ses œuvres en ligne. Il se trouve sur des plateformes très importantes où des musées et des galeries du monde entier sont présents et vendent des œuvres. Lors de la dernière exposition du Centre, des acheteurs de l’Europe et des Etats-Unis ont pu, à distance, commander des œuvres qui leur ont été envoyées grâce à des services de livraisons spécialisés. Les expositions du  Centre d’Art tournent aussi à l’étranger selon M. Mathiot qui précise qu’Il y a une vraie demande pour les œuvres artistiques haïtiennes, à l’étranger en particulier, où on retrouve des collectionneurs et des musées avec des fonds haïtiens importants.  L’art haïtien gagnerait, selon M. Mathiot, avec la réouverture du Musée d’Art Haïtien, qui retrouverait sa place dans le paysage à côté du Centre d’Art et du MUPANAH. Il a aussi fait remarquer que les artistes haïtiens, en dépit de leur grand talent, sont confrontés à de réelles difficultés pour créer et qu’il serait important de trouver des schémas économiques qui relancent le marché et leur permettent de vivre de leur travail. Le Centre d’Art est principalement soutenu par la Fondation Daniel et Nina Carasso, sous l’Egide de la Fondation de France et par la FOKAL et est toujours en recherche de fonds pour répondre convenablement à sa mission. Le Centre d’art est une institution à but non lucratif qui est là pour soutenir les artistes. S’il est vrai que des artistes s’approchent volontiers de l’Institution, un Conseil d’Administration et un comité scientifique évaluent l’intérêt pour lui de travailler avec certains artistes. Le Centre d’Art suit aussi de près les tendances et les talents naissants afin de les intégrer dans la famille du Centre d’Art.  L’exposition « Rèl », dans le cadre de Haïti, le Printemps de l’Art, est ouverte du mardi au samedi de 8 heures à 4 heures et durera jusqu’au 27 février. Rappelons qu’il  accueille les artistes Guyodo, Killy, Max Grégoire Benjamin, Jhonny Cinéus, Dubréus Lhérisson,  avec une scénographie de Pascale Théard.