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Le Nouvelliste

Les conditions dans lesquelles l'avortement peut être pratiqué

Aug. 18, 2020, midnight

Pendant longtemps, l'avortement était pénalisé en Haïti. L’article 262 du code pénal de 1825 prévoit : «Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violence, ou par tout autre moyen, aura procuré l'avortement d'une femme enceinte, soit qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion. La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré l'avortement à elle-même, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l'avortement en est suivi. Les médecins, chirurgiens et les autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens seront condamnés à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où l'avortement aurait eu lieu.»  Dans la législation haïtienne, l’avortement était un crime. La femme, qu’elle y ait consenti ou non, son médecin, ceux qui l’ont aidée étaient punissables. Certes, l’on continuait à se faire avorter en Haïti malgré les rigueurs de la loi, mais c'était toujours dans l'illégalité et la clandestinité et dans des conditions qui mettaient très souvent la vie des femmes en danger. En effet, l’avortement constitue la troisième cause de mortalité maternelle en Haïti, et toujours selon les résultats de l’étude EMMUS-V HAÏTI 2012, sur un échantillon de 352 femmes ayant avorté volontairement depuis 2007, 40% ont déclaré avoir eu des complications. Depuis de nombreuses années, plusieurs organisations de femmes, dont la SOFA, militaient  pour la légalisation ou la dépénalisation de l’avortement en Haïti, au motif que cette incrimination portait atteinte au respect du droit des femmes, au droit à la vie, entre autres. À partir de ce nouveau code pénal, c’est donc une étape qui est franchie.  En effet, en son article 328, le nouveau code pénal qui doit entrer en vigueur en juin 2022 prévoit les conditions dans lesquelles l’interruption de la grossesse peut être pratiquée. Ainsi, «l’interruption de la grossesse pratiquée sans le consentement libre et éclairé de la gestante, ou au-delà du délai de douze semaines, ou en méconnaissance des exigences de la science médicale est passible d’un emprisonnement de cinq ans à sept ans et d’une amende de 50 000 gourdes à 100 000 gourdes. Quiconque, en dehors des exigences de la science médicale, par aliments, breuvages, médicaments ou autres, aura provoqué l’avortement d’une femme enceinte sans son consentement est passible des mêmes peines. La peine est la même si l’avortement est provoqué par la violence physique. Les médecins, chirurgiens, les autres officiers de santé et les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens seront condamnés à la même peine si l’avortement s’en est suivi. Il n’y a pas d'infraction lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou lorsque la santé physique ou mentale de la femme est en danger.»  C’est donc une première dans notre législation et c’est un changement de taille puisque avant, le code pénal ne prévoyait aucune exception à l’interdiction générale de l’avortement. En l’article 329, le nouveau code pénal ajoute que «lorsque l’interruption de la grossesse a lieu dans des conditions qui mettent en danger la vie de la gestante, par une personne non qualifiée, dans un lieu autre qu’un établissement de santé public ou privé reconnu par le ministère de la Santé, ou au-delà d’un délai de douze semaines, l’auteur est passible d’un emprisonnement de sept ans à dix ans et d’une amende de 75 000 à 150 000 gourdes.»  Le législateur ne spécifie pas comment le consentement libre et éclairé de la femme sera donné, on sait néanmoins qu’il demeure crucial pour que l’interruption de la grossesse ne soit pas illégale. Notez que le code ajoute encore une peine pour ceux et celles qui tentent de passer outre le consentement de la femme car, l’article 329, prescrit que «celui ou celle qui, intentionnellement, pratique la stérilisation de la femme à son insu, alors qu’il n’existe aucune justification médicale ou chirurgicale, est passible d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 75 000 gourdes à 150 00 gourdes. La licence du médecin sera suspendue pour une durée d'un (1) an.»