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Le Nouvelliste

Insomnie, dépression, anxiété et autres séquelles du tremblement de terre en Haïti

Jan. 11, 2021, midnight

« L’objectif principal de ce travail est de mesurer de manière statistique l’impact du séisme du 12 janvier 2010 sur les caractéristiques épidémiologiques des troubles anxieux au centre psychiatrique et neurologique Mars & Kline », ont souligné d'entrée de jeu les auteurs de cette étude, les Drs Gassendie Pierre Louis, Mackendy Arthur et Emmanuel Nazon.  Ce travail, qui s'étend sur une période de 6 ans (2007-2013), se propose de jeter un œil discret et profond dans le dossier des patients reçus pour troubles anxieux au principal centre psychiatrique et neurologique du pays. 10 421 dossiers ont été consultés afin d'en déceler d'une part les patients reçus pour des troubles anxieux et, d'autre part, ce qui a changé depuis la catastrophe de terre dans les caractéristiques de ces troubles. La première différence constatée durant la période considérée est l'incidence des troubles mentaux, notamment des troubles anxieux après le tremblement. « Avant le séisme, les troubles anxieux représentaient 2.23% des motifs de consultation au centre Mars and Kline, contre 4.88% après le séisme de 2010.» S'il est bien connu que les troubles mentaux augmentent avec les catastrophes, cette étude  montre qu'au fil des années qui ont suivi le séisme, les troubles anxieux ne font pas qu'augmenter mais ce traumatisme (le séisme) est devenu l'antécédent principal des patients reçus au centre Mars and Kline (16.5%), devançant les violences qui prédominaient comme antécédents des troubles anxieux avant le séisme (14.80%). Au cours de cette même période, il a été aussi décelé que ce désastre a été associé à une augmentation de l’incidence et de la prévalence d’une variété de troubles psychiatriques parmi les groupes de survivants, incluant le trouble du spectre de l'autisme, le syndrome de stress post-traumatique, d’autres troubles anxieux, la dépression majeure, des complaintes somatiques et des troubles du sommeil », peut-on lire dans cet article.  Après le séisme du 12 janvier 2010, il est à noter aussi une extension des traumatismes psychologiques et la sévérité des symptômes psychiatriques. Qu'à cela ne tienne, les survivants qui se battent pour une reconstruction mentale doivent faire face à la détérioration de la situation socioéconomique du pays, aggravant, jour après jour, leur état.  «La sévérité des symptômes psychologiques et des comportements modifiés après les catastrophes naturelles dépend de plusieurs facteurs dont l’âge, le genre, le statut marital, la perte du conjoint, la proximité à l’épicentre, les pathologies associées et les blessures personnelles sont superposés au manque de support social, économique, de santé publique, d’urgence médicale », a révélé cette étude, expliquant au passage pourquoi il est si difficile de combattre les pathologies psychiatriques causées par le séisme de 2010 en Haïti. Un peu plus de 10 ans après le séisme, des survivants continuent de se battre contre les séquelles, livrés à eux-mêmes, dans des conditions désastreuses dans un pays qui n'a jamais su faire de la santé mentale une priorité dans la politique nationale de santé.   Les patients pacés au centre Mars and Kline après le séisme souffres des troubles d'ordre comportemental (logorrhée, trouble de l’appétit, attitude incohérente) et  neurologique  (trouble du sommeil et céphalées). Souvent, ils sont négligés par leurs proches quand ils ne sont pas carrément abandonnés.  Toujours selon cette étude, le trouble d'anxiété généralisée est le diagnostic le plus couramment posé (49.5%) après le séisme au côté du syndrome de stress post-traumatique. Si l'évolution de ces maladies est plutôt satisfaisante, il convient de souligner qu'une bonne partie du travail repose sur le soutien moral des parents et de la communauté. 11 ans après le séisme, les chercheurs croient que « cette étude est unique, dans la mesure où elle est la première à pointer du doigt suite au séisme du 12 janvier comme antécédent chez la plupart des patients ayant visité le centre de Mars and Kline après le 12 janvier 2010. En effet, la différence entre les deux périodes pour les antécédents est significative.  Dans un premier temps, le pourcentage de patients anxieux avec les antécédents de victimes d’agression a significativement diminué en passant de 14.3% à 2.6%. La catégorie des traumatismes a légèrement augmenté, passant de 13.2% à 16.5%. Dans un deuxième temps, les calculs ont montré que le séisme a joué un rôle prépondérant en amenant dix fois plus de cas d’anxiété que les AVP.» En dépit de la résilience des Haïtiens évoquée pour expliquer notre réaction aux troubles mentaux, cette étude prouve que beaucoup de personnes ont succombé sous le poids des catastrophes naturelles associées à un faible niveau de vie. Il reste aux autorités d'en prendre compte afin de mieux accompagner les survivants.