Le Nouvelliste
À Taïwan, un jour de fête nationale
Oct. 22, 2019, midnight
La sonnerie du téléphérique résonne comme dans un rêve. Wake-up call. Il est 6 heures 30. Je suis en décalage horaire de douze heures. Une bouffée d’air frais depuis le 8e étage du Grand hôtel. Un clin d’œil à l’écoulement de la rivière qui ne chemine pas trop loin. Une douche rapide et un passage éclair au restaurant avant de rejoindre la délégation qui a déjà grimpé dans le bus. Nous sommes le jeudi 10 octobre, jour de fête nationale de Taïwan. Tout est au pas de charge. Parce qu’il faut arriver au palais présidentiel tôt, bien avant l’audience avec la présidente de Taïwan. Le trajet est des plus faciles. Le 10\10 est un jour férié. Même le ballet des hélicoptères sillonnant le ciel avec les couleurs nationales sur leurs flancs a pris une pause. Les rues et les avenues sont cependant décorées, et des posters avec le slogan « Taïwan en avant » tapissent des murs, constituent une partie du décor en prévision des 108 ans de la République de Chine. Au palais présidentiel, il faut faire antichambre. Les murs de ce bâtiment, d’inspiration japonaise, construit entre 1912 et 1919 pour abriter le gouverneur de l'île alors possession coloniale japonaise, représentent le pouvoir et l’autorité. Les Japonais sont partis, l'immeuble tranche avec les gratte-ciel aux alentours mais est bien pour servir de siège au gouvernement en exil de Taïwan depuis 1949. Le palais présidentiel a été construit sur le site de l’ancienne maison officielle des envoyés impériaux de la dynastie Qing, partiellement endommagée dans un incendie en 1905. Ici donc est siège de pouvoir depuis des lustres et flottent dans l'atmosphère autorité et sens de responsabilité. Le petit déjeuner, en ce lieu, est à la fois tranquille et instructif. Un petit déjeuner plus tranquille n'est pas pour me déplaire. Je me rattrape. Sur les écrans géants de la salle d’attente, des reporters se relaient pour rapporter la frénésie et les temps forts de cette journée de fête. Peu avant 9 heures 20, la vingtaine de journalistes étrangers invités pour l'occasion se retrouve dans l’aile est du palais. Après les diplomates accrédités, la présidente Tsai Ing-wen, debout, les reçoit et leur souhaite la bienvenue. Tout se déroule suivant un cérémonial parfait, puis tout le monde va assister à une parade qui valorise autant les hommes et les femmes en uniforme que les athlètes, les chercheurs, les différentes ethnies et les amis de Taïwan. Quelques minutes après, la présidente Tsai Ing-wen, dans son discours devant une belle foule assise en face des murs rouges du palais, a insisté sur la nécessité, pour son pays, de continuer à rechercher la stabilité, l’adaptabilité, le progrès en construisant un Taïwan plus fort. La tâche demande l’unité nationale dans un monde qui change rapidement. « Le monde change rapidement et les changements sont encore plus dramatiques. Le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine continue. Et pas trop loin de Taïwan, Hong Kong est sur le point de sombrer dans le chaos à cause de l’échec d’un pays, deux systèmes », a indiqué Tsai Ing-wen, soulignant que la Chine continue d’imposer le « un pays, deux systèmes à Taïwan ». « Leurs offensives diplomatiques et leur coercition militaire posent de sérieux défis à la paix et à la stabilité régionale », a-t-elle poursuivi. Pour la présidente du Taïwan Tsai Ing-wen, quand la liberté et la démocratie sont en danger, quand l’existence et le développement de la République de Chine (Taïwan) sont menacés, « nous devons nous mettre debout et nous défendre », indépendamment des affiliations politiques de chaque Taïwanais. « En tant que présidente, me mettre debout pour protéger la souveraineté nationale n’est pas une provocation, c’est ma responsabilité première », a affirmé Tsai Ing-wen. « En 70 ans, nous avons fait face à beaucoup de défis ensemble. Au lieu de nous infliger la défaite, ces défis nous ont rendus plus forts et plus déterminés », a-t-elle poursuivi. Le peuple taïwanais sait transformer les défis en opportunités, s’est enorgueillie la présidente Tsai Ing-wen. Elle est revenue sur l’engagement de son pays à défendre la liberté, la démocratie dans la région et dans le monde. La détermination du peuple de Taïwan à embrasser le monde n’a jamais subi d’hésitation, a souligné la présidente qui a évoqué les accomplissements de son pays dans plusieurs domaines. Ces trois dernières années, nous avons travaillé en faveur d’une société plus juste. Nous avons augmenté le salaire minimum, coupé les taxes, fourni des soins de santé de façon que tout le monde bénéficie de la croissance de notre économie, a-t-elle détaillé, soulignant qu’il y aura des actions en vue de renforcer le « long-term care 2.0 », planifier, promouvoir et étendre les subventions à la formation et aux soins des enfants. Ces trois dernières années aussi, l’industrie de défense nationale a développé et fait l’acquisition d’armes avancées pour fortifier le moral des troupes et renforcer leurs capacités au combat. Nous avons récemment complété notre premier prototype d’avion et bientôt des vaisseaux produits localement vont s’additionner à nos capacités militaires, a détaillé la présidente Tsai Ing-wen. Elle a aussi évoqué le classement de Taïwan au quatrième rang mondial des « super innovateurs » du Forum économique mondial. Au niveau Hi-tech, Taïwan innove. Le pays a envoyé dans l’espace les satellites FORMASAT 5 et FORMOSAT 7. Pour la première fois dans le monde, grâce à de la technologie Made in Taïwan, une équipe de scientifiques a pu capturer les premières images d’un trou noir dans l’espace, a indiqué Tsai Ing-wen. « Le jour de notre fête nationale, tous nos concitoyens et concitoyennes doivent rester unis sous le drapeau de la liberté et de la démocratie. Nous faisons face au futur avec optimisme et détermination pour surmonter les défis. Dieu bénisse Taïwan ! En avant Taïwan !!! En avant République de Chine ! », a conclu Tsai Ing-wen qui a assisté au défilé auquel a pris part une délégation d'Haïtiens et d’Haïtiennes bien mis dans leurs chemises et robes karabela. En fin d’après-midi, à la réception offerte par le ministère taïwanais des Affaires étrangères, la cuisine taïwanaise, l'une des meilleures d'Asie, a eu l’effet d’un feu d’artifice sur les palais. J'ai même succombé à leur thé, ce qui est rarement dans ma tasse. Pour clore ce jour de fête nationale, la danse a pris place. Une troupe nous a régalés : tango, flamenco et autres danses exotiques se sont perdus dans des notes de parfum de femmes. Le soleil du 108e anniversaire s’est couché avec tout ce que j'aime. Et autant de beaux souvenirs…