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Le Nouvelliste

Luis Abinader, 39e président dominicain, prend fonction 

Aug. 17, 2020, midnight

10 : 05. Le nouveau président élu, Luis Abinader, arrive au Parlement dans une voiture électrique Tesla noire, costume blanc et cravate noire, les tempes grisonnantes, entouré de la première dame, Raquel Abinader, et de la vice-présidente, Raquel Peña Rodriguez. Entre la remise de l’écharpe présidentielle par le président sortant, le traditionnel discours du président de l’Assemblée nationale, Eduardo Estrella, ainsi que la prestation de serment du président élu, tout s’est enchaîné au rythme d’un métronome en présence notamment du président d’Haïti, Jovenel Moïse, du secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, entre autres officiels étrangers, de l’ancien président dominicain, Hipolito Mejia. « J’ai eu un immense plaisir de participer à la cérémonie d’investiture du président élu de la République dominicaine S.E. Luis Abinader. Ma présence à cette cérémonie est un témoignage éloquent de l’amitié et de la solidarité qui prévalent entre les peuples haïtien et dominicain », a tweeté le président Jovenel Moïse qui se dit, dans un second tweet, porteur d’un message de paix au peuple frère dominicain, avec tous nos souhaits de progrès et de prospérité pendant toute la durée du mandat du nouveau chef d’Etat. Très attendu au tournant, pour avoir tout au long de sa campagne attisé les attentes de ses compatriotes autour du slogan « changement », Luis Abinader a prononcé un vibrant discours d’investiture dans lequel il a surtout mis l'emphase sur la lutte contre la corruption et l'impunité et, pandémie de coronavirus oblige, il a évoqué des mesures d’urgence à prendre afin de redresser la situation sanitaire dans son pays faisant face à la crise économique. « Je tiens à vous annoncer aujourd'hui que notre gouvernement lancera un plan national de détection, d'isolement, de suivi et de traitement des personnes infectées à une échelle sans précédent dans notre histoire, avec l'engagement de garantir l'accès au vaccin contre le virus à l'ensemble de la population dominicaine dès qu'il est disponible », s’est engagé solennellement le président fraîchement assermenté. Augmentation du budget de la santé à plus de 66 milliards de pesos au cours des 4 premiers mois de son gouvernement, transformation complète du système de soins de santé, augmentation, dans les prochains mois du nombre de lits dans les unités de soins intensifs, ouverture de 12 hôpitaux temporaires, formation de plus de 1 000 médecins et infirmières, inclusion de plus de deux millions de Dominicains à l'assurance-maladie familiale, universalité et gratuité de la santé publique dominicaine d'ici décembre prochain…, telles sont les promesses de Luis Abinader pour le secteur santé découlant de son vaste programme visant à être plus efficace dans la lutte contre la pandémie responsable à nos jours de 1 400 morts et de plus de 85 000 infectés. « Sous ma présidence, le système de santé ne s'effondrera pas [...] Aujourd'hui, je m'engage à me consacrer corps et âme à placer notre système de santé là où les Dominicains le méritent: parmi les meilleurs d'Amérique latine », a déclaré le président Abinader, abondamment ovationné par l’assistance. Toutefois le chef de l’Etat dominicain a reconnu que « jamais auparavant un gouvernement n'avait été confronté à une telle combinaison de défis et de menaces », se référant au bilan hérité de l’équipe sortante ayant augmenté la dette et creusé le déficit, cette semaine seulement, à 25,6 milliards de pesos. « Améliorer la qualité des dépenses et éliminer le gaspillage et la corruption qui, depuis des années, n'ont fait qu'accroître le déficit et par conséquent la dette publique sans améliorer la qualité de vie des Dominicains », a promis Luis Abinader, accordant la priorité à la création des conditions de reprise de la production et de l'emploi en utilisant tous les mécanismes à portée de main. Pour y parvenir, le premier citoyen dominicain annonce l’extension des facilités fiscales en particulier pour les PME, la mise en œuvre d’un programme de garantie et de financement de plus d'un milliard de pesos destiné aux secteurs touchés par la pandémie, un plan de réparation et de construction de plus de 30 000 maisons afin de réactiver les économies locales, la présentation le lundi 24 août d’un plan de relance du tourisme, l’injection, par l'intermédiaire de la Banque agricole, de 5 milliards de pesos de financement à un taux d'intérêt zéro pour les nouvelles plantations. En outre, Luis Abinader a annoncé l’intention de son gouvernement de tirer le meilleur parti des partenariats publics et privés pour générer des investissements dans des domaines qui impliquent la création d'emplois formels et d'œuvres stratégiques, à savoir la construction de l'autoroute Amber permettant de relier Santiago à Puerto Plata en 25 minutes et Santo Domingo à Puerto Plata en deux heures ; le développement touristique de Pedernales, comptant sur la construction de son propre aéroport ainsi que de 3 000 chambres d'hôtel réparties dans divers établissements, et le développement du port de Manzanillo devant faciliter l'exportation de bananes et des zones franches de Santiago et de la ligne nord-ouest. S’agissant de la diplomatie, le nouveau président a fustigé la politique étrangère de son pays qui « a toujours été inefficace, et les nominations à son service extérieur ont souvent été considérées comme un butin politique ». « Mais cela va changer maintenant », a martelé Luis Abinader, promettant de renforcer des relations stratégiques avec les États-Unis, son principal partenaire commercial et lieu de résidence de deux millions de ses compatriotes, de redoubler d'efforts pour être un acteur de la transformation économique et un promoteur de la démocratie et de ses valeurs dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes, et de continuer à renforcer les instruments de bon voisinage avec Haïti. Pour ce qui est de l'éducation, le président Abinader a clairement communiqué son intention de « promouvoir un modèle éducatif basé sur la génération de compétences utiles pour l'insertion sociale, mais aussi utiles pour que nos jeunes puissent effectivement exercer un travail de qualité - un travail formel - ou créer leur propre entreprise, s'ils le décident ». Dans l’obligation de recourir à l'éducation à distance et virtuelle, le chef de l’Etat dominicain a fait l’annonce suivante : « Pour la rentrée scolaire, tous les enfants et jeunes des écoles et lycées de la République dominicaine disposeront d'une tablette ou d'un ordinateur portable afin qu'ils puissent continuer leur formation quels que soient l'évolution de la pandémie et son niveau économique ». Il a annoncé plus loin le lancement d’un plan ambitieux pour impliquer tous les opérateurs de téléphonie du pays et assurer la connectivité de l'ensemble du système éducatif en un minimum de temps. Chantre de la bonne gouvernance, Luis Abinader s’est voulu très clair, précis et énergique en proclamant : « Dans le gouvernement que nous formons aujourd'hui, il ne sera en aucun cas permis que la corruption du passé reste impunie, quiconque a volé l'argent du peuple doit nécessairement payer pour ses actes devant la justice. » « De la même manière, je veux donner un avertissement aux nouveaux responsables qui m'accompagneront dans le gouvernement du changement : je ne tolérerai aucun acte d'indélicatesse, encore moins de corruption dans mon gouvernement. Le fonctionnaire qui fait une erreur avec l'argent du peuple sera immédiatement renvoyé et traduit en justice. Nous sommes convaincus que la corruption d'en haut encourage la corruption d'en bas, qui est le crime, qui se traduit par l'insécurité. Et les deux doivent être combattus sans relâche », a poursuivi le président de rupture, réitérant pour tous « qu'il n'y aura pas d'impunité pour la corruption du passé, ni pour celle qui sera commise à l'avenir ». « Je m'engage avec le peuple dominicain, avec ma famille et avec la mémoire de mon père à diriger un gouvernement transparent et éthique, où l'argent du peuple sera géré avec une propreté totale et absolue », a soutenu le leader du PRM champion de la dernière présidentielle à sa deuxième participation électorale. Son prédécesseur, le président sortant Danilo Medina, pour sa part, a créé un incident sans précédent dans la vie démocratique dominicaine post-dictature en boudant la cérémonie de prestation de serment de son rival. Danilo Medina s'est donc contenté, peu avant l’assermentation, de venir remettre l’écharpe présidentielle au président de l’Assemblée nationale, Eduardo Estrella, tout en ayant le soin, avant de vider les lieux, de déclarer au micro des journalistes avoir accompli tout ce qu'il avait promis au cours de ses deux mandats de huit ans et s’est dit convaincu d’avoir délivré la marchandise.