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Le Nouvelliste

Une Noël sans mondanité

Dec. 23, 2020, midnight

Depuis cette transition vers la démocratie, entamée à la faveur des évènements sociopolitiques de février 1986, jamais une année n’a été aussi terrible pour la population haïtienne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. L’année 2020, marquée par la flambée de la pandémie mondiale de COVID-19, avec toutes ses inquiétudes, incertitudes, privations, frustrations, a été ponctuée, en Haïti, par la vertigineuse, l’insidieuse montée du kidnapping auquel s’adonnent, en toute impunité et sécurité, les gangs armés et «bandits légaux», terrorisant tous les quartiers et régions du pays. Impossible pour les Haïtiennes et Haïtiens de l’intérieur de doper leur peur de circuler librement et, pour ceux de l’extérieur, de fuir le Coronavirus qui effectue des ravages dans leur pays d’accueil ;  de prétexter des fêtes de fin d’année pour, au moins, se ressourcer. La vie en Haïti devient une calamité, une source de tribulations, un calvaire, un enfer quotidien pour ses habitants. Jamais en Haïti, une année politique n’a été tant mouvementée, impitoyable, absurde, cynique, ne laissant aucune place à la trêve observée généralement par les païens et chrétiens, par les belligérants, même en temps de guerre militaire ouverte. Il n’y aura pas de trêve de Noël, en dépit des promesses, des paroles de ceux qui prétendent nous gouverner. Aucune trêve  n’est susceptible d’être observée par ces gangs armés, «bandits légaux» qui mènent en territoire conquis, l’activité la plus honteuse et terrifiante mais très florissante pour eux, grâce à la  complicité active ou passive de ceux chargés d’assurer la sécurité des vies et des biens, le contrôle et la défense du territoire, d’administrer la justice et de promouvoir la bonne gouvernance du pays. Pas de trêve possible pour ces nombreux kidnappés, pour toutes ces familles qui vivent dans l’épouvante de ce monstre impitoyable à têtes multiples.   Étant très attachés à la culture, aux traditions, mœurs et coutumes haïtiennes, nous, du Rassemblement des Démocrates, Nationaux, Progressistes (RDNP), sommes choqués par la gangrène du kidnapping, du viol, du vol qui ronge les racines les plus profondes et essentielles de notre existence de peuple fier et gai, pauvre mais accueillant, ayant un goût particulier des mondanités, des festivités qui illuminent et célèbrent la vie, noyant, rien qu’un petit instant, tous les chagrins de l’existence. Nous sommes trop conscients de l’effet cathartique que produisent ces moments de bonheur, de défoulement, de ressourcement, de félicité sur des citoyennes et citoyens, déjà traumatisés par l’instabilité politique chronique, le marasme de l’économie, les misères sociales du pays.   Le crime est d’autant plus grand qu’il affecte le mental de nos jeunes enfants, tirés brutalement de la naïveté dans leur croyance, de l’insouciance dans leur moment de recréation — ces choses essentielles qui doivent fortifier leur âme, forger leur tempérament, construire leur être adulte, citoyen et patriote. Il n’y a rien de plus fondamental pour des enfants que de trouver des souvenirs, des plaisirs, des instants de bonheur insouciants pouvant les accrocher à leur Pays ; tout ce qui fait que, devenus adultes, ils le préfèrent  aux autres, et agissent pour le rendre heureux et prospère. Quel pays offrons-nous à nos enfants, à ces générations qui n’ont jamais gouté aux plaisirs des réveillons de Noël, de la féerie des pluies d’étoiles et des fanaux, du bruit festif, pourtant assourdissant, des pétards, de la messe de minuit pour les chrétiens, des soirées de bamboche musicale et dansante pour les  fêtards, des activités familiales fiévreuses pour le nettoyage et la décoration des maisons égayées par un arbre de Noël… Nous avons presque tout perdu, jusque la décence, le décorum de dirigeants, pressés de nettoyer les villes, les places publiques, les rues ; de les parer du plus bel habit pour les fêtes de Noël et pour les premiers jours du Nouvel An. Nous nageons en plein dans le règne des ténèbres qui obscurcit nos pensées, réflexions, jugements et actions, et conduit à la dégénérescence de la société, à la déchéance du pays. Et, par voie de conséquence, à l’aliénation complète de nous-mêmes. Grenadiers, Guerriers de lumière, Magistratures morales, Haïtiennes, Haïtiens authentiques, vous qui avez encore l’âme citoyenne, patriotique, c’est votre mission de sauver ce qui peut l’être encore ; de redonner croyance et espoir à nos jeunes qui doivent jouir des plaisirs de l’enfance insouciante, grandir, pour devenir des patriotes éminents ou honorables, capables de s’approprier, de s’imprégner de l’histoire et de la culture haïtiennes pour la survie du pays. Nous, du RDNP, sommes bien gênés de dire « Joyeux Noël » à tous nos compatriotes de l’intérieur comme de l’extérieur, dans la pure tradition des mondanités et civilités à l’haïtienne. Mais nous gardons le ferme et concret espoir que le jour n’est pas trop loin de renouer avec l’habitude des victoires sur les ténèbres, souffrances, ignominies, abominations d’un temps de déraison, d’errements, de satrapie. Pour nos Aïeux, pour la Patrie, nos enfants doivent, au moins, jouir des mondanités et festivités liées à la Noël.          Ensemble, ensemble, ensemble jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou an men. Eric Jean Baptiste Secrétaire Général du RDNP