Le Nouvelliste
Rien qu’une fine éclaircie…
Jan. 7, 2021, midnight
Les citoyennes et citoyens haïtiens n’ont même pas fini de digérer l’année 2020, avec son cortège de maladies, de malheurs, de tourments, de déceptions, qu’ils sont, déjà, plongés dans les incertitudes de ce Nouvel An. L’horizon politique n’offre rien de rassurant, concernant la résolution des problèmes liés à la gouvernance du pays dans la perspective de créer la bonne société. Cette année 2021, comme un miroir, nous renvoie à nos actes manqués, à nos préjugés, au point de départ de la transition de 1986. Surtout et encore, il est hanté par cet esprit de division, d’exclusion, de revanche de la victime sur le bourreau, qui a inspiré l’article 291 de la Constitution de 1987. Il est, en toute analyse, obstrué par deux camps, opposés diamétralement dans leurs actions ; d’un côté, un pouvoir animé par un faux sentiment de puissance qui le porte à faire fi du consensus ; de l’autre, un secteur de la société civile qui rêve de prendre d’assaut le pouvoir sans passer par des élections. Dans les deux cas, le pays s’écarte graduellement de la démocratie, de la modernité, de la stabilité politique, de la croissance économique, de la cohésion sociale auxquelles aspire légitimement, l’écrasante couche saine de la population. Au Rassemblement des Démocrates, Nationaux, Progressistes (RDNP), nous nous refusons à l’idée de pérenniser pareille représentation de la scène politique haïtienne : «de danmijann pa rantre lan menm bo sakpay», «de towo pa gwonde lan menm savann». Comme s’il s’agissait de penser la gouvernance du pays, de mener la lutte pour l’exercice du pouvoir, tel un éternel combat de coq, et, de ranger, de diviser la population, en conséquence. Pour nous, du RDNP, il n’y a qu’un taureau : Haïti, à prendre par les cornes pour le sortir de cet abîme d’injustice, de misère, d’ignorance, de corruption et, enfin, le conduire vers les eaux paisibles, les verts pâturages, les chemins et chantiers des espérances concrètes. Il est triste de constater que les citoyennes, citoyens, qui ont échappé au ravage de la COVID-19, à la souffrance des mois de pays lock, à la calamité quotidienne du kidnapping, n’ont pas le fier courage de rêver, de se souhaiter une meilleure année, d’espérer rien qu’une fine éclaircie pour saouler leur mal-être grandissant de vivre, depuis pas mal de temps, dans un pays qui marche à reculons. Il est plus que pénible d’observer que cette population, si festive, joyeuse, s’est terrée dans une grande peur durant les fêtes de Noël et du Nouvel An. Il est déchirant que, en Haïti, terre des libertés, le jour de l’Indépendance nationale soit l’objet de commémoration en demi-teinte, chrysocale, et, que, par contre, le souvenir de cet exploit de nos Aïeux soit remémoré, salué par des gouvernements et intellectuels étrangers. Patriotiquement, il est scandaleux que les seuls espoirs se fondent sur une intervention étrangère, l’immixtion d’étrangers pour apporter une prétendue solution à la crise multidimensionnelle dans laquelle patauge le pays. Nous persistons à travailler pour que les belligérants mettent de l’eau dans leur vin, que l’intérêt général et supérieur d’Haïti prime dans toutes les actions, sachant que l’exclusion, la division, les solutions importées ne peuvent conduire qu’à l’instabilité politique chronique, aux avancées fulgurantes des gangs armés et bandits légaux, aux aventures rocambolesques de fous justiciers, au triomphe des fossoyeurs de la Patrie. Les citoyennes et citoyens : kidnappés, accidentés de la route, migrants clandestins, privés de soin sanitaire, assoiffés de justice, mourants de faim, nous commande, nous de cette classe politique, de faire le compromis nécessaire pour qu’ils puissent, juste rêver, pour éviter le pire qui s’annonce. Nous le devons à cette jeune génération qui, en dépit des privations individuelles et difficultés familiales, doit affronter, le ventre creux, la peur quotidienne de trouver le pain de l’instruction, ainsi, d’assurer leur avenir. Nous le devons à nous-mêmes, de cette classe politique, si nous avons encore la décence, la gêne, que l’histoire ne nous retienne comme des loups, au lieu d’être les bergers du troupeau. Nous encourageons les Grenadiers, Guerriers de lumière, Magistratures morales, qui sortent de leur torpeur, à élever, encore plus haut, leur voix. Prêtres, pasteurs, qui éveillent la conscience de leurs fidèles, en rapprochant la doctrine religieuse ou chrétienne du devoir citoyen, patriotique, de se révolter contre l’indésirable situation actuelle. Intellectuels, professeurs, enseignants, qui sensibilisent les jeunes pour qu’ils participent activement à la vie politique citoyenne, et, par conséquent, prendre en main leur destin, en tant que force vive de changement, énergie créatrice du souffle révolutionnaire. Nous, du RDNP, sommes de ceux qui croient qu’il est grand temps que la vie change en Haïti, que la population jouisse de la satisfaction de ses besoins primaires, essentiels, que cette classe politique, enfin, arrive à transcender sa folie furieuse, ses rancœurs, ses aigreurs, son égoïsme… Pour le pays, pour nos Aïeux, pour nos enfants. Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou an men. Eric Jean Baptiste Secrétaire géneral du RDNP