Le Nouvelliste
Un exploit de trouver son certificat de bonne vie et mœurs à la DCPJ …
Sept. 10, 2019, midnight
Il est 12 heures 30, mardi 10 septembre. La file d’attente commence à grossir dans la cour de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). La chaleur suffocante se dégage sous le pavillon en tôle où plus d’une centaine de personnes sont entassées dans l’espoir de trouver le certificat de bonne vie et mœurs livré par la police judiciaire. Des proches, des parents venus d’horizons divers du pays patientent, regardent le temps s’écouler sans obtenir ce document précieux capable de sauver certains confrères en situation irrégulière au Chili, fuyant la misère d’Haïti. Un moratoire de trois mois a été accordé aux Haïtiens menacés d’expulsion du Chili dont l’échéance est fixé au 30 octobre. La délivrance de ce document crucial dans le processus de régularisation des Haïtiens en situation irrégulière au Chili est de plus en plus difficile, voire rare. Jacques* fait le pied de grue chaque jour, sortant de la commune Carrefour à la recherche de ce précieux papier pour sa cousine qui encourt la déportation du Chili. « J’ai reçu chaque jour des rendez-vous ici. Cela fait un mois et une semaine depuis que j’attends ce certificat de bonne vie et mœurs », s’indigne Jacques. Pour lui, c’est le même scenario : venir pour rien. À un cheveu de lui, un jeune homme, sortant de Léogâne, en quête de ce document depuis quatre mois à la DCPJ pour son frère qui vit également en situation irrégulière au Chili. Au bout de 14 heures, une liste est prête. Les plus chanceux entendent leurs noms cités pour se procurer le document. Par ricochet, le calvaire de Jacques est loin d’être fini après des heures d’attente. « C’est le moins qu’on puisse demander à un État qui ne fait rien pour ses fils », s’emporte une jeune dame, quittant les locaux de la DCPJ, frustrée. Pour parvenir à une régularisation normale, beaucoup d’Haïtiens vivant sur le sol chilien nécessitent un casier judiciaire, une pièce que seule la DCPJ est apte à délivrer. Près de 16 000 personnes en situation irrégulière ont été inscrites dans le plan de régularisation lancé par le gouvernement du Chili afin de ne pas être expulsées. La majorité qui est sous la menace d’expulsion est haïtienne, selon ce qu’avait fait savoir Alvaro Bellolio, le ministre des Affaires étrangères du Chili. Une source à la DCPJ confirme la complexité du dossier des migrants haïtiens au Chili. « L’information sur la moralité de la personne, sur son casier ne peut être obtenue à la va-vite », a fait savoir notre source qui affirme que la DCPJ a un accord avec les autorités chiliennes pour livrer les migrants haïtiens au Chili en conflit avec la loi haïtienne. Du coup, il y a plus de rigueur dans le traitement des dossiers, a avancé notre source. Elle explique plus loin que la lenteur réside surtout dans la vérification des informations sur la personne en question dans les commissariats. « Si l'on se trouve à Port-de-Paix, on ne peut pas illico te livrer un certificat de bonne vie et mœurs sans s'informer auprès des autorités judiciaires de la région. On ne croit pas dans la quantité mais dans la qualité », explique notre interlocuteur. « Nous sommes très mal vus dans le monde en tant qu’haïtiens. Nous nous efforçons de donner un document fiable sur la moralité du demandeur de certificat de bonne vie et mœurs », a poursuivi notre source, soulignant que la DCPJ refuse de blanchir une personne qui a commis des méfaits en Haïti et qui quitte le pays. Ce responsable explique plus loin que certaines fois des dossiers ont pris plus de temps pour leur traitement en raison des incohérences constatées au niveau des matricules qui ne correspondent pas. « La personne mandatée pour faire le suivi le fait mal parfois », a-t-il souligné.