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Le Nouvelliste

Deux récits d’une rencontre entre le président Jovenel Moïse et le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo

Aug. 17, 2020, midnight

Le président Jovenel Moïse, après son entretien avec le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, à Santo Domingo, a mentionné les élections comme point focal des discussions et passé sous silence les préoccupations exprimées par les États-Unis par rapport au renforcement de l’État de droit et à la protection des droits humains, « des éléments clés dans un processus démocratique ». « Je me suis entretenu avec le secrétaire d’État américain, @MikecPompeo. L’entretien a porté essentiellement sur l’organisation des élections. Tout comme moi, nos partenaires américains croient que les élections restent et demeurent la voie idéale pour la survie de la démocratie », a tweeté le président d’Haïti à 62 minutes d’intervalle du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo. « Bonne conversation avec le président Jovenel Moïse, à Santo Domingo. « Il est crucial qu’Haïti ait un calendrier pour les élections législatives en retard, forme un CEP inclusif, renforce le règne de la loi et supporte les droits humains. Ce sont les éléments clés du processus démocratique », a tweeté le secrétaire d’État américain. Le tweet du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, intervient après la déclaration, le 5 août dernier, des États-Unis exprimant leurs profondes préoccupations face « aux pertes en vie humaine dans les communautés marginalisées du fait de la violence liée aux gangs ». « Les gangs armés violent systématiquement les droits humains des habitants de communautés telles que Cité Soleil, La Saline, Bel-Air, Martissant et Village-de-Dieu », selon cette déclaration. «  Les États-Unis encouragent le gouvernement haïtien à protéger ses citoyens les plus vulnérables en luttant contre la prolifération des gangs et en tenant les auteurs de violence et leurs complices responsables », lit-on dans cette déclaration. « La violence, la corruption et l’impunité ont entravé les objectifs de développement d’Haïti et les aspirations du peuple haïtien à une vie meilleure pendant bien trop longtemps », ont indiqué les Américains. « Les États-Unis continuent à lancer un appel à la reddition de comptes pour les cas de violation de droits humains et de corruption. Et nous réitérons la nécessité pour le gouvernement d’Haïti d’enquêter sur ces cas et de poursuivre les responsables de ces actes de violence liée aux gangs », selon cette déclaration ayant fait écho des attentes vis-à-vis de la PNH et de ses contraintes budgétaires. « La Police nationale d’Haïti (PNH) continue à faire face à des pressions opérationnelles croissantes et à des contraintes d’ordre budgétaire. Les États-Unis demeurent engagés à travailler avec la PNH pour renforcer sa capacité à répondre aux défis sécuritaires qui augmentent », ont indiqué les Américains, qui ont souligné que « sans un financement approprié et suffisant, la PNH ne peut pas remplir sa mission de sécurité publique visant à protéger les citoyens ». À côté des Américains, c’est la mission onusienne en Haïti, BINUH, qui a exprimé « sa vive préoccupation face à la recrudescence de l’insécurité sur l’étendue du territoire national et en particulier dans les quartiers populaires marginalisés de la zone métropolitaine, où des affrontements entre gangs armés ont récemment occasionné d’importantes pertes de vies ». « La population des quartiers contrôlés par des bandes armées endure un niveau de violence intolérable : entre janvier et juin 2020, le BINUH a documenté qu’au moins 159 personnes ont été tuées et 92 autres blessées – y compris des enfants, en raison de la violence liée aux gangs. Le BINUH rappelle que ces violations pourraient constituer des crimes internationaux en vertu du droit relatif aux droits de l’homme et constituent également des crimes relevant du droit pénal haïtien. Les responsables doivent être arrêtés et poursuivis et l’État, à travers ses institutions, doit prendre des mesures effectives pour protéger le droit inaliénable à la vie de tous les citoyen(ne)s et mettre fin à l'impunité et aux cycles répétitifs de violence en Haïti », a indiqué le BINUH, qui a indexé Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », visé par un mandat émis en février 2019 pour son implication présumée dans les attaques de Grand-Ravine, en novembre 2017. Il serait également impliqué dans d'autres incidents meurtriers, dont ceux de La Saline en novembre 2018 et de Bel-Air en novembre 2019 et plus récemment dans les incidents de Pont-Rouge et Cité-Soleil, a indiqué le BINUH. Entre-temps, en interview avec Washington Post, Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », a dénoncé l’extrême pauvreté des populations des bidonvilles. Le chef du regroupement de gangs dénommé G-9 an fanmi e alye, présenté comme proche du pouvoir  a indiqué qu’il fait « une révolution armée ». « C’est une révolution armée », a dit Chérizier à un reporter du Washington Post dans son fief à Delmas 6, une zone de non- droit dont il dit être le protecteur. « Nous mettrons une arme dans les mains de chaque enfant si nous devons le faire », a indiqué Jimmy Chérizier, cité par le Washington Post. Si sur le plan de la sécurité, de la protection et du respect des droits des personnes les plus vulnérables le président est poussé dans les cordes, il ne réalise pas de grands progrès non plus dans ses initiatives pour monter un nouveau CEP, après la démission des 8 conseillers du CEP dirigé par Léopold Berlanger. Le président Jovenel Moïse dirige Haïti par décrets depuis le deuxième lundi de janvier 2020 à cause du dysfonctionnement du Parlement. En juillet, il a nommé des agents exécutifs intérimaires qui remplacent tous les maires de la république dont les mandats sont arrivés à terme. Il y a quelques semaines, le CEP dirigé par Léopold Berlanger a démissionné en bloc pour faciliter des discussions politiques et une issue à la crise institutionnelle. « Aujourd'hui, notre pays fait face à une grave crise politique et institutionnelle, entraînant de lourdes conséquences au niveau économique, social et sécuritaire. Tout en reconnaissant l'urgence de la normalisation, il nous paraît essentiel de prioriser le dialogue entre les principaux acteurs du pouvoir, de l'opposition et de la société civile en vue d'aboutir à un consensus approprié. Cette étape inévitable constitue un passage obligé pour parvenir à une solution viable capable de juguler la crise actuelle », ont écrit les huit conseillers électoraux démissionnaires fin juillet. Entre-temps, le président Jovenel Moïse a fait des invitations à certains secteurs pour participer à des discussions sur le CEP, les élections et le référendum constitutionnel. À part les invitations, rien n’est communiqué sur la réalisation ou non de ces réunions. Sans détour, des partis de l’opposition soulignent qu’ils n’iront pas aux élections avec le président Jovenel Moïse. Ils accusent le chef de l’État de mise en place en vue de truquer les élections. Coûte que coûte « il y aura des élections dans le pays en 2021 », a annoncé le président de la République le dimanche 9 août 2020. Jovenel Moïse a demandé à la population de faire la différence entre ceux qui construisent et ceux qui détruisent lors de ces joutes électorales. « Aujourd’hui, votre destin est entre vos mains. Vous allez choisir qui vous voulez comme dirigeants. Votre choix déterminera votre avenir », avait avancé le chef de l’État. Pour Michael Kozak, assistant secrétaire d’État américain pour les affaires de l’hémisphère Ouest, cité par Miami Herald avant l’entretien entre le président Moïse et le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites, maintenant, en ce temps de crise provoquée par la Covid-19, pour réaliser les élections aussitôt que ce sera techniquement possible. Il faut faire ce travail parce que si vous voulez avoir une démocratie, cela signifie que les trois piliers de la démocratie doivent être mis en place. « Cela ne peut pas être un ou deux », a souligné Michael Kozak au Miami Herald. « La prestation de serment du président Abinader offre l’occasion idéale pour réaffirmer  nos engagements partagés pour renforcer la démocratie dans notre hémisphère de liberté », a-t-il dit. Roberson Alphonse