Le Nouvelliste
Covid-19: le Dr Paul Farmer plaide pour un nouveau système de santé
Jan. 11, 2021, midnight
« Même dans mon rêve le plus fou je n'aurais pas imaginé cette pandémie telle qu'elle est apparue et ses impacts sur les grandes puissances mondiales. Cependant, l'idée d'une pandémie avec l'émergence de nouvelles maladies n'est pas si étrangère aux scientifiques. On disait toujours que la question n'est pas de savoir s'il y aura une pandémie, mais quand.» C'est en ces termes que le Dr Paul Farmer a introduit les premières considérations de son analyse sur la pandémie. Cette analyse qu'il souhaite à la fois holistique et prospective dépasse la réalité d'un pays, il s'agit pour lui de « repenser la façon dont les systèmes de santé sont organisés.» « Il y a quelques années, j'ai révisé un article du New England Journal dans lequel Bill Gates se questionnait déjà sur le que faire face à l'évidence de plus en plus inquiétante de l'émergence d'une nouvelle maladie capable de provoquer une pandémie. Bill Gates se questionnait déjà sur la faiblesse des systèmes de santé, je trouvais cela intéressant à l'époque », se rappelle le Dr Paul Farmer, qui n'a cessé de vendre une nouvelle vision, un nouveau modèle sanitaire à travers le monde. Sa maîtrise du « système de santé national » aux États-Unis le pousse à servir ce grand pays pour expliquer pourquoi d'autres pays économiquement et démographiquement proches des États-Unis d'Amérique ont échoué dans la gestion de la pandémie. « S'il fallait considérer deux facteurs, je tiendrais compte de la privatisation de la santé et de son fractionnement. Il y a des domaines où la privatisation peut donner de bons résultats, mais pour la santé, je le trouve affreux. Aux États-Unis d'Amérique comme dans beaucoup d'autres pays, il n' y a pas un système national de santé, il y a plusieurs sous-systèmes séparés qui ne se communiquent pas vraiment », explique le Dr Paul Fartmer, fondateur de l'ONG Patners in Health. Répondant aux questions de l'économiste Kesner Pharel, le Dr Paul Farmer rappelle que la santé est transversale et que le problème que nous avons en matière de réponse sanitaire face à la Covid-19 n'est pas le fruit du hasard, mais la conséquence de nos grandes et petites négligences. D'un côté, il y a des pays qui refusent d'investir dans la santé se croyant à l'abri de certains problèmes, de l'autre côté, il y a des pays qui ont les matériels et les professionnels, mais qui ne s'organisent pas. « Sans un système national de santé, cohérent et unifié, on ne pourra pas répondre aux catastrophes sanitaires », a fait savoir le Dr Paul Farmer. « Les États-Unis d'Amérique investissent environ 18% de leur PIB dans la santé, mais ils n'ont pas un filet de sécurité. À Havard University où je suis professeur, il n y a qu'un seul hôpital public auquel l'université est affiliée », poursuit le Dr Paul Farmer dans son analyse. Parallèlement, il a pris l'exemple du Rwanda avec une économie plus faible qu'Haïti et un système d'assurance avec les communautés à la base qui arrive à garantir une couverture sanitaire universelle excédant les 90%. « En Haïti nous avons un personnel qualifié, mieux que certains pays en Afrique, mais nous avons à la fois un problème de système et d'investissement, soutient le Dr Paul Farmer. La dernière fois que j'essayais d'aborder le problème d'assurance en Haïti, il n y avait que 60 000 familles qui possédaient une carte d'assurance. Cela veut dire tout simplement que jusqu'à présent, cette notion n'a aucune importance pour le pays. Au Rwanda, c'est le gouvernement qui s'en charge et ça a marché là où des initiatives privées ont échoué en Haïti, c'est-à-dire dans les communautés.» À court terme, le Dr Paul Farmer réitère « qu'il faut respecter les mesures barrières en attendant l'arrivée d'un vaccin en Haïti.» À long terme, il conseille aux autorités d'investir dans le système public et d'organiser ce système afin qu'il puisse donner des résultats.