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Le Nouvelliste

Contre-discours

July 9, 2020, midnight

À suivre l’actualité depuis quelque temps, on se rend compte que les uns et les autres sont bêtement pris dans des jeux manichéens qui exacerbent les malentendus et qui approfondissent les clivages. D’où vient cette habitude d’avoir peur de prendre le contrepied de ce que racontent la majorité de ceux qui prennent la parole, quitte à avoir tort, quitte à être mis en quarantaine, même quand on est certain d’avoir raison ? Certains défendent des principes. Et c’est très bien. Des fois, il faut mourir pour un principe. Mais quand une certaine morale tient la dragée haute au principe, quand l’essentiel est occulté volontairement par des sujets anecdotiques, nous sommes en grand danger de banalisation de l’être et de reniement. Accorder des droits à une minorité sans en enlever à personne, c’est respecter les règles fixées depuis toujours par la République, à savoir « Liberté, égalité, fraternité ». Il est impossible de faire des débats, d’être lucide, d’aller jusqu’au bout de la phrase. C’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui, d’être honnête, de lire jusqu’au bout et prendre de l’altitude quand c’est le grotesque, le racisme inconscient, le rire gras et lourd, l’hypocrisie qui font recette. Il y en a qui se taisent, non parce qu’ils ne sont pas capables d’aller à contre-courant du bruit, mais parce que cette foule qui n’arrête pas de se contredire, de se trahir, de ne pas accomplir ses devoirs, occupe toutes les avenues de la parole, use à fond de populisme et de démagogie. Des hommes d’Église (tiens, toujours des hommes !), défilent et nous saoulent d’amnésies. Parce que personne ne veut laisser passer l’occasion de se taire, de tirer avantage d’une actualité, quitte à blesser, à dénigrer une minorité qui ne cause du tort à personne, qui n’a rien demandé, rien revendiqué, même si elle en aurait le droit. En démocratie il faut se résigner à accepter que l’autre existe, que les préjugés, que les discours tout faits ne peuvent remettre en question son existence.  Il y a des prises de position et des partis pris qui ne font qu’ajouter l’arrogance à l’échec. L’homophobie, le sous-racisme, le manque d’empathie ne sont pas des maladies incurables. Mais faut-il bien que certains comprennent qu’ils sont malades et acceptent de se faire soigner. Ce qu’il y a d’encombrant avec la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres, chante Léo Ferré, s’il fallait lister les comportements répréhensibles, les manquements au devoir, nous savons tous lesquels seraient en tête de liste. Flatter les mauvais instincts, en appeler à l’anéantissement de l’autre n’effaceront pas nos problèmes. Les rires ne seront que de courte durée face à la grande tristesse commune d’un pays à bout de souffle dont le choix sexuel de personnes adultes n’est pas du tout le souci. Il faut des discours à contre-courant, défendre les minorités, malgré les gouailles et les sirènes du populisme. Être, s’il le faut, le dernier, la dernière, à protester pour que toujours il y ait quelqu’un qui proteste quand il y a une situation d’injustice pour lire – pourquoi pas ?- autrement le magnifique poème du pasteur allemand antinazi  Martin Niemöller, quand il était plutôt rare de trouver des antinazis dans l’Allemagne d’Hitler. « Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas juif. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas catholique. Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester. »